De notre envoyée spéciale
Qu'y a-t-il de commun entre Van Gogh, saint Valentin et l'épilepsie ? La légende raconte que, aux alentours de l'an 1300 de notre ère, les habitants de Rouffach (Allemagne) choisirent d'invoquer saint Valentin plutôt que saint Jean Baptiste pour guérir de l'épilepsie. C'est ainsi que le patron des amoureux devint le protecteur des épileptiques.
Le protecteur, donc, de Van Gogh, dont les crises furent identifiées en 1888 (il avait 35 ans) pendant son séjour à Arles, après la dispute avec Gauguin au cours de laquelle il s'est mutilé l'oreille. Il souffrait, semble-t-il, de crises temporales, suivies par un état confusionnel prolongé. La personnalité de Van Gogh relève sans doute de « cette personnalité épileptique » dont la définition était très en vogue au XIXe siècle : irritable, dangereux, asocial. Il a dû quitter la célèbre « maison jaune » lorsque trente de ses voisins ont signé une pétition pour se débarrasser d'un individu considéré comme dangereux. « La personnalité épileptique n'existe pas », précise le Pr Giuliano Avanzini (ILAE, Italie).
Pourtant, plus d'un siècle après Van Gogh, les patients vivent toujours dans le même isolement social. Une enquête réalisée auprès des personnes épileptiques dans huit pays européens a révélé qu'elles sont 66 % à se sentir stigmatisées en France, quelque 50 % en Allemagne, Italie et Royaume-Uni, et seulement 32 % en Espagne.
Dans les pays en développement, où vivent 80 % des personnes atteintes de la maladie, le préjugé culturel conduit souvent à limiter l'accès aux soins.
80 % des épileptiques ne sont pas traités
Au cours d'une conférence qui s'est tenue au musée Van Gogh d'Amsterdam, à l'occasion de l'exposition Van Gogh-Gauguin et des fêtes de la Saint-Valentin, les témoignages de patients sont venus rappeler cette réalité. Carol D'Souza (psychologue et auteur d'un livre de témoignages sur l'épilepsie) explique : « Je n'ai plus de crises, mais je continue à souffrir du stigmate de la maladie. » Beaucoup d'épileptiques sont dans ce cas. 80 % d'entre eux échappent à un diagnostic correct et ne sont pas traités (ils sont 40 % en Europe, soit 2,4 millions). Or de 60 à 70 % d'entre eux pourraient mener une vie normale avec un traitement adapté.
Aussi la campagne mondiale contre l'épilepsie qui a commencé en juin 1999 et dont la seconde phase a reçu le soutien de Sanofi-Synthélabo sous la forme d'une bourse éducative illimitée vise-t-elle à réduire ces préjugés et à développer les moyens d'un diagnostic et d'un traitement pour tous les malades. Pour cela, des actions d'éducation et de formation du public et des professionnels de santé sont organisées, après avoir identifié les besoins des patients dans chaque pays. Des projets de démonstration ont déjà été mis en place dans cinq, dont l'Argentine, la Chine, le Sénégal et le Zimbabwe. Les résultats sont attendus dans quatre à cinq ans. Le défi est bien de faire sortir l'épilepsie de l'ombre.
* Avec le Pr Giuliano Avanzini (ILAE, Italie), le Pr Ann Jacoby (sociologue, Liverpool, Royaume-Uni), Hanneke M. De Boer (IBE, Pays-Bas), William Bratton (Sanofi-Synthélabo).
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