APRÈS « UNE VIE FRANÇAISE », qui valut à Jean-Paul Dubois le prix Femina 2004, cette chronique tragi-comique peut paraître légère, mais, aux innocents, elle servira de mise en garde et à ceux, nombreux, qui ont aussi pâti des abus en tout genre des différents corps de métier, elle est une sorte de consolation !
Un oncle qui n’est pas d’Amérique lègue à M. Tanner une grande maison... quasi en ruines. Au vu des devis officiels «équivalant au PNB du Nicaragua», il n’a d’autre choix pour la remettre en état que de vendre sa propre maison, de se tourner vers le travail au noir et de mettre la main à la pâte. Tout au long des années qu’ont duré le chantier et son calvaire, le narrateur a ainsi été aux première loges pour suivre la chronique d’un désastre annoncé.
Voici donc Pierre Sandre et Pedro Kantor, les couvreurs style Laurel et Hardy, incompétents, feignants, menteurs et aussi féroces que les six bébés molosses qu’ils lâchent dans le jardin : des barbares pratiquant la politique du chantier brûlé et, évidemment, pas assurés.
Appelé pour réparer les dégâts, M. Lindbergh a bien délégué des ouvriers efficaces, mais a négligé, lui, de mentionner le « petit dépassement » du bois spécial en châtaignier, en vérité astronomique.
Leur ont succédé, pour refaire les plafonds et les cloisons, deux colosses ventripotents à l’exotisme tzigane, Chavolo et Dorado, parlant entre eux une langue inconnue, parlant d’eux-mêmes à la troisième personne et ne parlant entre eux que de sexe.
Rien à voir avec l’électricien Igor Zeitsev, un athlète russe – et catholique forcené qui passait plus de temps à prier, tout attirail déployé, qu’à travailler.
Il y eut pire pourtant. Jean Goujon le maçon. «Pas vicieux, ni tordu, ni malsain, ni branquignol, non, simplement déplaisant, par nature et à tous égards.»
Avec Adrien Simkolochuski, dit Simko, on revient en pays connu. Fumiste de son état, il l’était aussi dans le travail, promettant de venir et remettant sans cesse, menaçant quand on le menaçait de porter plainte, mais n’hésitant pas à verser son sang pour mener à bien sa tâche... seulement quand il l’a décidé.
Sosie de Louis de Funès et possédant la voix, les tics et l’attitude burlesque de l’acteur, Emile Harang se faisait fort de «discipliner les tuyaux» ; il fallut bien une soudure mal faite et un dégât des eaux pour qu’il abandonne ses sautillements – et finisse par disparaître sans vouloir être payé !
Il y a encore le couple Siegfried et Roy, caricatures d’Américains à l’accent du Gard prononcé, venus poser des panneaux solaires et qui se livraient à des ébats sur le toit ; le jointeur Khaled Fahred, dont on aurait dit, lorsqu’il posait ses bandages, «qu’il luttait à mains nues contre un gavial» tellement il soufflait et haletait ; Jean-César Astor, au physique et à l’allure d’un mannequin Boss ou Armani, artiste refoulé qui manifestait par tous ses gestes sa détestation de son métier de peintre en bâtiment ; et Pierre Coty le chauffagiste, «malhabile en général, maladroit en particulier, une sorte de constante marge d’erreur à lui tout seul»...
On ose à peine l’avouer tant on se doute que M. Tanner et M. Dubois ne font qu’un, mais on aurait aimé que se poursuive la litanie des malheurs de l’heureux propriétaire tant la galerie de portraits est plaisante. A chacun de déterminer s’ils sont outrés ou le reflet de la réalité !
Éditions de l’Olivier, 199 p. 16,50 euros.
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