THEATRE
PAR ARMELLE HELIOT
P.ARditi, bouleversant dans Amolphe, et A. Sourdillon (AFP)
Dans l'espace plus étroit du théâtre de la Commune d'Aubervilliers, Philippe Marioge réinvente le dispositif scénique qu'il avait créé pour la cour d'Honneur : un plateau à trappes, quelques clochers de la cité des Papes dépassant comme si l'on était en suspension au dessus de la ville, et autour, les coursives d'où les personnages observent les démêlés des protagonistes. Tout cela fonctionne même si le sentiment de la solitude d'Arnolphe, puissamment soutenu visuellement à Avignon, repose désormais plus sur l'interprétation de Pierre Arditi.
A part le personnage d'Horace (Olivier Ythier), qui a perdu la perruque rousse et hirsute qui introduisait un décalage étrange, rien n'a changé. Les options se sont affermies et la vision de Didier Bezace de « l'Ecole des femmes », si elle n'étouffe en rien le comique de Molière, est encore plus noire.
La distribution est excellente : Christian Bouillette (Chrysale), Gilles David (Alain), Martine Thinières (Georgette), Thierry Gibault (le notaire, Enrique), Jean-Paul Semaridas (Oronte) dessinent leurs personnages avec une précision d'eau-forte sans renoncer à une cocasserie certaine qui, par contraste, accentue le caractère désespéré de la relation d'Arnolphe et d'Agnès.
Agnès est incarnée par une actrice extrêmement talentueuse, belle, singulière, dans l'éclat de ses moyens, de son métier. Plus pure qu'innocente, c'est une Agnès qui, littéralement, désarme Arnolphe, non par candeur mais par sincérité. Cela renouvelle le rôle et donne au désarroi d'Arnolphe une couleur franchement tragique.
Face à la remarquable Agnès Sourdillon, avec ce timbre si particulier qui fait ici merveille comme son visage de petite masque, Pierre Arditi est magnifique, tenant tous les fils d'un des plus beaux personnages de Molière et provoquant la profonde compassion du public tout en montrant bien à quel point est inquiétante sa folie et bouleversants ses éclairs de lucidité.
Un superbe travail qui confirme l'intelligence aigüe de Didier Bezace, son sens sûr de la scène, son audace. Tout ici, musique (Laurent Caillon), sons (Bernard Vallery), lumières (Marie Nicolas), costumes (Cidalia da Costa), est donné dans une cohérence et une harmonie qui renforcent les choix dramaturgiques. Un spectacle exemplaire.
Théâtre de la Commune d'Aubervilliers, du mardi au samedi à 20 h 30, en matinée le dimanche. Durée : 2 h 30 sans entracte (01.48.33.93.93.). Jusqu'au 8 mars. Le 27 janvier, rencontre avec l'équipe artistique à l'issue du spectacle. Lecture d'extraits de « Emile ou l'éducation » de Jean-Jacques Rousseau les 26 janvier, 2 février, 16 février à 17 h 30. Réservation indispensable. Une tournée suivra.
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