Sécurité sociale

Sombre diagnostic, des propositions pour l'assurance-maladie

Publié le 14/01/2004
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DE L'AVIS d'un membre du Haut Conseil, le « projet de synthèse » de 19 pages examiné aujourd'hui en séance plénière est une « prouesse, quand on se souvient des débuts laborieux des travaux ».
Force est de reconnaître que ce document, rédigé dans un style digeste et multipliant les exemples concrets, n'élude aucun pan du diagnostic commandé par le gouvernement : ni le financement, ni l'organisation de la distribution des soins, ni la « gouvernance » institutionnelle, rendue inefficace par un « enchevêtrement des compétences » et une « crise de pilotage ». Le rapport final est attendu le 23 janvier, au lendemain d'une ultime journée continue de travail ; il devrait jeter les principes d'une « réforme possible », tout en y mettant les formes.
Selon ce texte préparatoire, la sauvegarde d'un système d'assurance-maladie « solidaire et plus économe en prélèvements obligatoires passe par la conjugaison de trois actions ».
Côté dépenses, la « réorganisation » du système de soins autour d'un « meilleur rapport qualité/prix », et donc d'une régulation des dépenses beaucoup plus efficace, semble un objectif « unanimement partagé ». Deuxième axe de travail : l' « ajustement des conditions de prise en charge », ce qui signifie une action sur les taux de remboursement. Selon le projet de synthèse, l'effort de 80 % des ménages pour se soigner « reste très modéré » et « sans commune mesure » avec les sacrifices admis pour satisfaire d'autres besoins sociaux comme le logement. Avec la généralisation des complémentaires, l' « effort final » pour la santé ne dépasse pas, selon le document, « 1 % du revenu en moyenne » de la plupart des ménages. Or cette « aisance » dans l'accès aux soins « ne dresse aucun obstacle aux comportements négligents, voire laxistes, de consommation et de prescription ». Autrement dit, le système se caractérise par une regrettable fuite en avant. Troisième priorité : l' « action sur les recettes , avec notamment une réflexion sur l'assiette de la CSG.

Bonnes pratiques : de « graves carences »

Parmi ces trois leviers d'action, la réorganisation du système de soins en ville comme à l'hôpital a particulièrement inspiré les experts du Haut Conseil.
Le projet de synthèse estime que « la recherche de pertinence médicale » fait largement défaut . Ainsi, l'élaboration et la diffusion des référentiels de pratique médicale souffrent de « graves carences ». L'organisation de la FMC est toujours en panne. « Il faut engager beaucoup plus vite et plus résolument le système de soins dans une démarche d'évaluation périodique des connaissances et des pratiques, systématiquement articulée à une offre de formation professionnelle plus substantielle et plus indépendante, et appuyée sur des procédures d'accréditation », tranche le rapport. Le Haut Conseil affirme que la « chasse à la non-qualité » est une forme efficace de lutte contre les dépenses injustifiées . Et de faire référence aux « opérations inutiles », aux «  séquelles invalidantes des opérations mal exécutées », aux « maladies non dépistées » ou aux « infections nosocomiales ».
La « surconsommation de médicaments », source d'une dépense « considérable » (16 milliards d'euros par an, 260 000 euros prescrits par généraliste), est également stigmatisée. « Rien ne justifie que l'assuré français consomme entre deux et quatre fois plus d'analgésiques, d'antidépresseurs et de tranquillisants que les usagers des pays voisins. » Mais les actions dans ce domaine supposent une « participation active de tous les acteurs de la chaîne » : laboratoires, prescripteurs, pharmaciens, caisses et usagers.
Le diagnostic posé sur la politique de tarifs et prix administrés n'est guère plus reluisant. A l'hôpital, « le système n'utilise pas assez les espaces de concurrence sur les prix dont il dispose ou qu'il pourrait introduire », notamment pour les médicaments ou les dispositifs médicaux. Les « écarts de coûts se révèlent aussi très sensibles d'un hôpital à l'autre ». Côté rémunérations en ville, le Haut Conseil s' « étonne » des inégalités entre certaines professions, que ne justifient « ni le niveau d'études et de formation, ni les sujétions, ni la technicité ». Et de citer le radiologue qui gagne en moyenne «  cinq à six fois » plus que le dermatologue. Déduction : la « tarification n'est pas adaptée ». Le texte ose une conclusion que certains syndicats de médecins libéraux risquent de ne pas partager. Evoquant la « tarification à la pathologie », les « systèmes de tiers payant » ou les « modes de rémunérations forfaitaires » des libéraux, il affirme que « les instruments tarifaires ne sont plus, par eux-mêmes, sujets de conflit ». Et qu'il faut « innover plus résolument » dans ce domaine. Quant à la répartition de l'offre médicale, elle est loin d'être optimale, avec, d'un côté, des zones de surdensité, où la consommation de soins est stimulée « artificiellement », et, de l'autre, des zones déficitaires, où les conditions de travail des professionnels mais aussi l'accès aux soins « se dégradent ». Le rapport propose ici une réflexion sur « le bien-fondé de la totale liberté d'installation des professionnels de santé libéraux ».
Si le système de soins est aussi mal organisé, c'est enfin parce qu'il néglige la prévention et l'éducation sanitaire et parce qu'il est « cloisonné » jusqu'à la caricature (entre ville et hôpital, curatif et social...). Sur ces points, le consensus ne devrait pas être difficile à trouver.

> CYRILLE DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7456