ILS ONT DÉBARQUE A ROISSY la semaine dernière avec en tête les images de voitures calcinées, transmises en boucle par les chaînes câblées américaines. Ces soixante jeunes d'Arabie saoudite, âgés de 18 à 20 ans, ont été rassurés par l'accueil de leur ambassade, près de « la plus belle avenue du monde ».
« Cette situation exceptionnelle va rapidement se calmer », a promis Mohammed Bin Ismaël al Cheikh. L'ambassadeur d'Arabie saoudite a donné à ses compatriotes venus étudier la médecine en France des conseils pratiques : « Vous pouvez perdre votre argent mais pas votre passeport ! ».
Le diplomate se réjouit de l'établissement de nouvelles relations entre deux nations qui se méconnaissent : « Je souhaite que ces jeunes gens obtiennent un diplôme en France, qu'ils découvrent la langue et la culture de ce pays et en soient ses ambassadeurs à leur retour en Arabie saoudite ».
Attention au choc culturel.
Ce projet d'envergure a demandé plusieurs mois de travail. Il a démarré en février après la visite en France du vice-ministre de l'Enseignement supérieur saoudien. « C'est la première fois qu'un gouvernement prend intégralement en charge les frais de formation à l'étranger d'un si grand nombre de ses étudiants », constate l'organisateur de ce périple, le Dr Philippe Aubry, conseiller santé régional du Moyen-Orient au ministère français des Affaires étrangères.
Ce sont en fait 56 garçons et 4 filles de différentes villes du royaume qui ont été sélectionnés en mai « pour leurs qualités scientifiques ». Tous vont disposer d'une bourse d'Etat de 1 000 euros par mois versé par le gouvernement saoudien. Les frais d'inscriptions à la faculté de médecine sont également payés par ce gouvernement.
Divisés en trois groupes dans les instituts linguistiques de Tours, Rouen et Vichy, les soixante Saoudiens vont d'abord apprendre, pendant un an, le français dont ils ne connaissent pas un mot. Pour faciliter leur intégration, ils seront logés dans des familles d'accueil.
En septembre prochain, après une remise à niveau scientifique, ils commenceront la première année de médecine par groupe de six dans une dizaine de facultés restant à déterminer. Un système de tutorat sera mis en place pour suivre l'évolution de leur formation. « Le voyage risque d'être un choc culturel pour ces jeunes, explique le Dr Aubry. La moitié d'entre eux quittent leur pays pour la première fois ».
Passionné par le sport, Fahad n'a pas l'air d'un déraciné. Il se réjouit de pouvoir acheter « l'Equipe » ou « le Monde » tous les jours en kiosque. « C'est un honneur de pouvoir me former dans ce pays. Je veux devenir médecin, même si je ne sais pas encore dans quelle spécialité », glisse-t-il, tout sourire. Seule fille du groupe à ne pas porter de voile, Norah est également ravie. Issue d'une des meilleures écoles secondaires du royaume, elle est pleine d'ambition. Son père, homme d'affaires, va l'accompagner pendant quelques jours. Il veut voir « l'environnement » dans lequel va évoluer sa fille pendant dix à douze ans. Le protocole d'accord signé par les Etats français et saoudien est très clair : les jeunes boursiers n'auront pas le droit de rester en France à la fin de leurs études. « L'objectif est qu'ils réintègrent le système de santé de leur pays », confie le Dr Aubry.
Pour qu'ils ne soient pas mis en concurrence avec les candidats français, ces étudiants seront mis hors numerus clausus. « Leur passage en année supérieure s'effectuera sur des critères spécifiques, compatibles avec la législation française et qu'il reste à préciser », ajoute le représentant du ministère des Affaires étrangères.
Nouvelles perspectives au Moyen-Orient.
Cette opération est porteuse d'enjeux économiques « énormes » pour la France, absente du Moyen-Orient alors que le Canada, les Etats-Unis où l'Allemagne y ont déjà tiré leur épingle du jeu. « Dans dix ans, ces étudiants retourneront exercer dans leur pays. Ils utiliseront du matériel et des médicaments français et enverront les malades difficiles se faire soigner en France », commente Philippe Aubry. La France semble vouloir rattraper le temps perdu dans ses relations avec les pays du Golfe. « De nouvelles promotions d'étudiants saoudiens devraient suivre si cette première expérience s'avère concluante », ajoute le représentant du ministère des affaires étrangères. Il est également prévu que, dans les prochaines années, des praticiens saoudiens viennent se spécialiser en France en refaisant l'internat ou dans le cadre de diplômes d'études spécialisées complémentaires (Desc).
Les Saoudiens sont également demandeurs d'échanges du type « visiting professor », c'est-à-dire des formations de courte durée de médecins français dans leur pays. Des protocoles sont en cours de signature entre la France et l'Arabie saoudite. « Le but est de créer pour l'occasion des postes de faisant fonction d'interne (FFI) payés par l'ambassade et fermés au départ des candidats », explique Philippe Aubry .
Rayonnant sur le Golfe avec ses 18 millions d'habitants, l'Arabie saoudite a créé une émulation chez ses voisins. « De nombreux autres pays commencent à vouloir la même chose », reconnaît le conseiller santé du ministère des Affaires étrangères.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature