De notre correspondante
L'Observatoire régional de la santé PACA et l'unité 379 de l'INSERM ont réalisé une enquête nationale auprès d'un échantillon de 1 000 médecins libéraux sur leur attitude face aux soins palliatifs.
L'enquête prévue sous forme de questions posées à un millier de médecins de toute la France (moitié généralistes, moitié spécialistes répartis entre neurologues, cancérologues et sidénologues) devait durer 20 minutes par médecin, mais les enquêteurs ont dû doubler leur temps d'entretien, preuve de l'intérêt mais aussi de la difficulté de leurs interlocuteurs à s'exprimer sur le sujet. Chacun devait décrire le cas de leurs trois derniers patients décédés.
Seulement 17 % des généralistes se déclarent ouvertement mal à l'aise dans la prise en charge des patients en fin de vie, contre 8 % de malaise exprimé par les oncologues. Mais le comportement des autres semble démentir l'assurance qu'ils expriment : la plupart des médecins cherchent à hospitaliser ces malades partout où ils le peuvent, même en l'absence de service spécialisé à proximité. C'est cette absence de moyens adaptés, surtout pour les médecins ruraux, qui semble d'ailleurs causer les malaises exprimés : le tiers des prescriptions de soins palliatifs n'ont pu être réalisées faute d'équipes spécialisées intervenant dans cette zone, en établissement ou à domicile. Une partie des médecins est alors obligée de décider et souvent d'assumer la situation seul, alors que 91 % des généralistes et des neurologues et 82 % des oncologues déclarent n'avoir reçu aucune formation universitaire en soins palliatifs ou en algologie. Leur comportement et leurs soins s'en ressentent : seulement 7 % des neurologues, 9 % des généralistes et 17 % des oncologues parviennent à informer du diagnostic les patients en fin de vie qui sont en mesure de le comprendre, et 58 % de l'ensemble de ces médecins les informent tout de même de leurs objectifs thérapeutiques.
Des réticences vis-à-vis de la morphine
L'analyse statistique montre aussi que le malaise est plus marqué chez les médecins qui n'aiment pas utiliser la morphine contre la douleur. Quatre-vingt-cinq pour cent des malades décédés à la suite d'un cancer ont bénéficié de morphiniques, mais des questions spécifiques permettent de mieux cerner la difficulté de certains médecins dans l'emploi de cet analgésique et l'interférence de critères non médicaux.
On s'aperçoit ainsi que les prescriptions sont plus fréquentes lorsque le médecin a reçu une formation universitaire à l'algologie, lorsque le patient est assisté par sa famille (qui, on le suppose, insiste pour que l'on soulage le malade). Les plus jeunes (plus revendicatifs ?) en bénéficient aussi plus facilement (44 % de prescriptions aux moins de 44 ans contre 13 % aux plus de 80 ans) et les médecins, surtout les médecins-hommes, en prescrivent plutôt aux malades-hommes qu'aux malades-femmes. Les responsables de l'enquête y voient la difficulté pour le médecin d'évaluer la douleur de ses patients. Si on se réfère à d'autres points de l'enquête, on s'aperçoit aussi que de nombreux médecins assimilent à l'euthanasie l'emploi d'une sédation active ou de morphine à forte dose.
Un cadre légal pour l'euthanasie
La seconde partie de l'enquête concerne l'euthanasie. Un médecin sur dix a refusé de prendre parti. Quarante-cinq pour cent des généralistes, 47 % des neurologues, 37 % des sidénologues et 35 % des oncologues seraient favorables à un cadre légal pour cette pratique. Mais les médecins formés aux soins palliatifs et à l'allergologie, de même que ceux qui ont suivi le plus grand nombre de patients en fin de vie et ceux qui se sentent le plus à l'aise avec ce type de malades apparaissent moins favorables. Pour les rapporteurs de l'enquête, l'euthanasie apparaît comme un pis-aller, faute de pouvoir apporter une meilleure réponse : « La diffusion des connaissances et des compétences en soins palliatifs pourrait donc contribuer à clarifier et à apaiser le débat actuel sur l'euthanasie », estiment-ils.
Multiplier les équipes spécialisées
Cette enquête est la première qui est menée à l'échelle de toute la France sur l'attitude des médecins face aux patients en fin de vie. Elle confirme le constat dressé récemment par la Caisse primaire du Var du manque de moyens et de la disparité géographique de l'offre de soins palliatifs. Elle devrait donc améliorer la prise en charge spécifique de ces malades, comme le souhaite l'Union régionale des caisses d'assurance-maladie-PACA (qui a participé au financement grâce à des crédits FAQS (Fonds d'aide à la qualité des soins) versés au Centre des professions de santé libérales des Bouches-du-Rhône). La multiplication d'équipes spécialisées en institution ou à domicile devrait permettre de sensibiliser et de former les médecins de ville, qui pourraient travailler, même ponctuellement, au sein de réseaux pluridisciplinaires : les débats menés dans le Var sur ce sujet avaient montré combien ils étaient demandeurs et on peut supposer qu'à problème égal, la réaction des médecins des autres départements est égale.
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