De notre correspondante
Soigner et accompagner tous ensemble le malade en fin de vie serait-il une utopie ? C'est la question un peu provocatrice que posait la Société française pour l'accompagnement et les soins palliatifs (SFAP) lors de son huitième congrès national organisé à Lille à la fin juin.
« Le problème doit être constamment posé si l'on veut réellement placer le malade au centre du dispositif de soins, constate le Dr Daniel D'Hérouville, président de cette société. Réfléchir à la place de chacun est une nécessité absolue lorsqu'on travaille en équipe mobile : il faut venir en soutien, sans se substituer à l'équipe soignante, aider sans prendre la place de l'autre. Et surtout ne pas imposer nos propres choix à un malade qui se trouve dans une situation d'extrême fragilité. Tout cela demande beaucoup de vigilance et de modestie. »
Renoncer à une part de pouvoir pour mieux travailler en équipe, dialoguer avec les autres professionnels de santé et la famille afin d'aider le malade à « se pacifier » avec lui-même... L'exercice est difficile mais possible, assure avec optimisme Godefroy Hirsch, responsable d'une équipe mobile à Blois. « Le travail en équipe est un défi permanent car les soignants n'ont pas cette culture du partage. Il existe un cloisonnement très fort entre les différents secteurs médicaux. Est-ce par crainte du regard de l'autre ou par peur de perdre du pouvoir ? Les professionnels de santé sont souvent réticents au travail en équipe. »
Pour ce jeune généraliste, qui a longtemps accompagné des malades en fin de vie à domicile avant de diriger une équipe de soins palliatifs, le travail collectif au chevet du malade pose des questions de fond sur la fonction des soignants, les compétences de chacun et le projet de vie du malade. « Sommes-nous des prestataires de soins ou les dépositaires ultimes du patient ? Est-ce qu'on partage un patient ou ce qui se construit pour sa fin de vie ? Sommes-nous prêts à partager les compétences et les points de vue de l'autre ? » Des questions quelque peu dérangeantes... dont on ne peut faire l'économie.
Rester modeste
Une chose est sûre : aucun professionnel de santé n'a été formé à la « collaboration ». Et la période de fin de vie, avec toute la violence qu'elle porte en elle, n'est pas forcément propice à cet apprentissage. « Travailler ensemble est une utopie accessible, estime pour sa part Thérèse Dossin, chargée du développement des soins palliatifs à la Fondation de France. Cela suppose une coopération entre professionnels de santé, mais aussi une ouverture à la société civile, pour permettre à chacun de trouver sa place auprès du malade. Eviter de modéliser, dans un domaine aussi sensible que la fin de vie, et surtout rester modeste : nous avons derrière nous des générations de familles qui sont restées traumatisées par la fin de vie d'un proche ! »
Beaucoup de chemin a été parcouru au cours des quinze dernières années, mais il reste encore à faire évoluer les mentalités, comme le souligne Marie-Sylvie Richard, médecin à la maison médicale Jeanne-Garnier, à Paris. « La pluridisciplinarité n'est pas nouvelle en milieu hospitalier... En revanche, l'interdisciplinarité est moins habituelle ; or elle est un des fondements des soins palliatifs. L'interaction entre les diverses disciplines relève d'une curiosité intellectuelle qui pousse à aller vers d'autres domaines, elle exige un changement de mentalité profond. Cela suppose de sortir de la logique individuelle, et d'élargir les soins pour faire place à des non-professionnels... Un véritable changement de culture pour les soignants ! »
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