POUR LES PERSONNES présentant une déficience mentale, médicale ou physique, les soins dentaires ne sont pas faciles à réaliser : ils nécessitent une prise en charge spécifique, un matériel et des locaux adaptés et des praticiens rodés à ce type de patient, avec un temps de consultation souvent très long. Dans ce domaine, la France est très en retard.
Ces patients relèvent encore en majorité du réseau de soins prévu pour la population générale, c'est-à-dire « pour des personnes en bonne santé et coopérantes ». Et la prise en charge adaptée relève le plus souvent de la bonne volonté des praticiens.
Dispenser des soins dentaires à une personne handicapée mentalement ou à une personne âgée dépendante est un exercice difficile. Si difficile que ce volet important pour la bonne santé des patients est le plus souvent négligé, voire occulté totalement. Pourtant, des caries non soignées, des dents absentes, en malposition sont source d'infections générales majeures, d'une perte de la mastication, de troubles de la déglutition pouvant aboutir à une dénutrition.
Les difficultés sont de plusieurs ordres. L'identification des pathologies ou tout simplement des douleurs dentaires est souvent épineuse, car les patients peuvent avoir du mal à s'exprimer, du fait notamment d'une anxiété extrême. Il y a ensuite les problèmes logistiques : les installations des cabinets dentaires, qu'elles soient dans un environnement hospitalier ou libéral, ne sont pas adaptées à des patients présentant des handicaps. Pour soigner la sphère dentaire, faire ouvrir tout simplement la bouche, il faut la participation active du patient (elle est souvent inexistante dans ce cas). Des consultations longues, des soins difficiles à effectuer sont en outre nécessaires. Le chirurgien-dentiste peut avoir recours à l'anesthésie générale, mais cette démarche ne peut être réalisée que ponctuellement, en cas d'extrême nécessité, et les soins conservateurs, dans ce schéma, sont compromis. Le recours à des protocoles de sédation consciente est la seule alternative. Mais, peu de chirurgiens-dentistes ont reçu une formation adaptée, et le mélange protoxyde d'azote-oxygène est réservé à l'usage hospitalier.
Trois cabinets dentaires.
Fort de ces constats, le CHU de Clermont-Ferrand, sous l'impulsion du Pr Martine Hennequin, a créé l'unité fonctionnelle de soins spécifiques dès 1992. Elle s'est restructurée en 2003 à cause de l'affluence des patients et fonctionne depuis un an. Dans des locaux alloués par l'hôpital, les travaux, financés avec le soutien de la fondation CNP Assurances et une subvention de 120 000 euros, ont permis d'aménager trois cabinets dentaires. Plus de 600 patients ont déjà pu y être soignés, soit 1 800 passages (en moyenne 3 visites par an pour chaque patient).
Ce centre, le seul en France, assure non seulement l'accueil des patients et les soins, mais également la formation de chirurgiens-dentistes libéraux. Il favorise la recherche pour améliorer la prise en charge des handicapés et a une activité de prévention auprès des établissements accueillant des enfants ou adultes qui présentent une déficience mentale (dépistage des pathologies bucco-dentaires des résidents, formation du personnel médico-éducatif aux techniques d'hygiène personnalisées). De plus, pour permettre la prise en charge de certaines catégories de personnes handicapées (enfants ou adultes phobiques, handicapés, trisomiques) dans le cadre d'un cabinet dentaire libéral, l'unité propose de compléter la formation initiale des chirurgiens-dentistes généralistes dans ce domaine particulier.
« Le caractère pilote de cette unité soutenue activement par la fondation CNP Assurances, souligne le Pr Martine Hennequin, devrait permettre de démontrer la nécessité de développer d'autres structures du même type en France pour les patients ne pouvant pas être pris en charge par le secteur libéral ; elle devrait aussi permettre, par une formation spécifique des chirurgiens-dentistes libéraux, l'accès aux cabinets dentaires de certains patients handicapés ; et enfin la conduite d'actions de prévention dans les instituts spécialisés, pour limiter la dégradation bucco-dentaire des patients. »
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