Les présidents de plusieurs syndicats de professionnels de santé libéraux réunis au sein du groupe dit du G14 (1) ont organisé, à Paris, la première journée dite de l'interprofessionnalité.
Il s'agissait, précise le Dr Pierre Costes, président de MG-France, d'une « réunion publique d'appropriation » de la réflexion actuelle sur l'interprofessionnalité, idée déjà bien moulinée par les états-majors nationaux (notamment au sein du Centre national des professions de santé). Mais force est de constater que le concept n'attire pas les foules : la salle de 600 places qui avait été réservée était beaucoup trop vaste pour la quarantaine de professionnels de santé libéraux présents (quelques médecins mais aussi des kinés, des biologistes, des pharmaciens, des infirmières, etc.).
Généralistes : révolution des mentalités
Pourtant, les leaders des syndicats nationaux présents ont insisté sur l'urgente nécessité d'un rapprochement des diverses professions de santé libérales au niveau local. Cette démarche se présente comme une réponse collective à « l'intrication des différents métiers autour des soins primaires », mais elle vise aussi à faire face « à l'expansion de l'hospitalcentrisme ». L'interprofessionnalité peut donc concerner l'organisation de la distribution des soins, la permanence des soins en ville, les contrats de bonne pratique, la réalisation de certains actes ou la prise en charge de pathologies.
Au nom des généralistes, le Dr Costes (MG-France) a expliqué le changement d'état d'esprit récent des médecins de famille.
« Pendant longtemps, a-t-il déclaré, les généralistes ont demandé à leur syndicat de leur donner plus de boulot, de nouveaux champs d'activité en ville qui mordaient sur les spécialistes, la gynéco, la pédiatrie, la gériatrie, les paramédicaux. Cette demande a changé. Les généralistes ne veulent plus tout faire. La réorientation des métiers mais aussi la démographie ouvrent des perspectives fantastiques pour reconstruire l'offre libérale. Pour les généralistes, cela signifie notamment déléguer une partie de leur travail à d'autres dans le cadre de démarches coordonnées, par exemple, aux infirmières, la surveillance à domicile simple de patients. On ne doit plus se lancer des pierres mais plutôt s'organiser face à l'hôpital. »
Jean Benoît, président du Syndicat des biologistes (SDB), a affirmé, dans le même registre, que « le regard des professions les unes sur les autres (les prescripteurs, les prescrits) avait changé » ; il a regretté le « décalage entre la réflexion bien aboutie au niveau national et celle de la base ». « Il n'y a pas de Satan parmi nous! », a-t-il résumé. Les choses ne sont effectivement pas aussi simples localement, comme le montrent les tensions qui persistent au sein des centres départementaux des professions de santé (CDPS). La loi pourrait toutefois aller plus vite que l'évolution des mentalités. François Maignien, ancien président de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR), a rappelé que l'interprofessionnalité venait de s'incarner dans les textes. Un amendement du gouvernement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002 (PLFSS) prévoit un socle conventionnel « interprofessionnel » édictant les règles communes à l'ensemble des professionnels de santé exerçant en ville.
Ne pas être « autiste »
En vertu de l'adage qui veut que l'union fait la force, les responsables des syndicats concernés attendent de cette démarche un positionnement plus crédible du secteur ambulatoire. « Les professionnels de santé libéraux ne pourront demander des modifications de nomenclature que s'ils peuvent les objectiver », explique Bernard Capdeville, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) .
Dans la salle, plusieurs médecins ou professionnels de santé paramédicaux ont salué cette « démarche intellectuelle » jugée souvent « sympathique ». Mais ils attendent sur le terrain des outils (légers), des protocoles de soins (souples) et surtout des aides financières pour pouvoir concrétiser l'interprofessionnalité au-delà des staffs locaux existants ou de réseaux de soins qui fonctionnent tant bien que mal.
Pour le Dr Costes, « l'interpro, c'est d'abord une approche, une culture, un état d'esprit que chacun doit s'approprier dans son unité de proximité ». « Pour le suivi du patient diabétique, ajoute-t-il, cela peut être un protocole entre des libéraux mais aussi une campagne d'information dans un quartier sensible. »
Le groupe de réflexion du G14 réunit notamment des représentants des généralistes (MG-France), du Syndicat des médecins de groupe (SNMG), des biologistes, des orthoptistes, des orthophonistes, des pharmaciens, des chirurgiens-dentistes, des infirmières, des kinés et des podologues. L'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF) a pris ses distances avec ce groupe, de l'aveu même de son président.
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