La santé en librairie
Le développement, voire la systématisation, et l'abus du recours à des substances chimiques destinées à produire des sensations ou à améliorer des performances est un phénomène moderne qui nécessite des réponses nouvelles où liberté de chacun et responsabilité politique sont en question. La drogue et la toxicomanie sont un champ miné de paradoxes et de contradictions, disent A. Morel, F. Hervé et B. Fontaine.
Une approche globale
Comment dès lors éviter de se noyer dans la complexité intellectuelle tout en échappant au simplisme idéologique ? En optant pour une approche globale et multidimensionnelle, humaine, sociale et politique, seule vraie réponse aux problèmes des drogues et des toxicomanies ; car la « toxicomanie est moins une maladie qu'une solution pour soulager des maux de la vie, à la croisée des facteurs d'ordre social, psychologique et biologique », expliquent ces spécialistes qui proposent une vue d'ensemble sur des analyses et des pratiques fort diverses.
Une grande partie de leur synthèse est consacrée aux bases cliniques des addictions aux drogues et de la dépendance ainsi qu'à l'expérience toxicomaniaque, avant d'aborder les diverses approches biologiques, sociales et psychologiques puis les soins. Si les auteurs plaident pour cette approche globale de la consommation de substances psychoactives, c'est aussi pour inciter à abandonner les cloisonnements artificiels et inefficaces entre produits.
Le développement de la médecine des addictions témoigne bien de cette nouvelle vision des choses : s'il y a bien des spécificités de chaque type de consommation dont il faut tenir compte, les points communs sont fondamentaux d'une addiction à l'autre. En témoignent la multiplication des polyconsommations et les passages d'une addiction à l'autre. Une véritable politique de santé publique devrait prévenir les usages et les abus, réduire les risques et les dommages tout en soignant les dépendances et complications.
« Libérer la politique des drogues de sa crispation actuelle sur la prohibition permettrait à la prévention de clarifier ses objectifs et d'inventer des actions plus efficaces »,concluent les spécialistes.
« Toute intervention qui prétende soigner autrui exige la recherche d'une alliance avec cet autre. C'est encore plus nécessaire avec les usagers de drogues tant ils souffrent de désalliance et d'exclusion »,
écrivent les auteurs de « Soigner les toxicomanies ». Avant tout, proposer une prise en charge empathique et sans jugement, rappelle le COROMA.
Du côté du somatique
Les toxicomanes sont des malades comme les autres, on ne le répétera sans doute jamais assez. Ce qui n'empêche pas l'existence de certaines particularités des problèmes somatiques chez ces patients en face desquels nous sommes parfois hésitants. Que faire lorsqu'un patient sous traitement de substitution par méthadone se plaint de douleur ? Que faire en présence d'un patient toxicodépendant fébrile ? Comment poursuivre les investigations devant une élévation des transaminases qui ne trouve pas d'explication ? Comment suivre une grossesse chez une patiente toxicomane ? Le manuel proposé par le COROMA propose des solutions claires, concises et pratiques sur chacune de ces questions. Les contacts établis lors de la prise en charge de troubles somatiques sont d'autant plus importants que la reconnaissance et le traitement correct de ces problèmes ont une influence profonde sur le lien thérapeutique, les perspectives à long terme et la survie.
Les troubles somatiques, particulièrement nombreux et fréquents chez les toxicomanes, sont autant d'occasions d'appels à l'aide médicale qu'il faut savoir saisir.
« Soigner les toxicomanes », Alain Morel, François Hervé, Bernard Fontaine, Dunod, 2e édition, 376 pages, 30 euros.
« Toxicodépendance, problèmes somatiques courants », COROMA (Collège romand de médecine de l'addiction), Editions Médecine et Hygiène, 128 pages, 15,50 euros.
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