La santé en librairie
Guy Lazorthes : un siècle de médecine universitaire
Lorsque le Pr Guy Lazorthes s'est décidé à explorer « les tiroirs de (sa) mémoire » pour en tirer la matière d'un livre, il a dû se livrer à un tri sévère, tant les tiroirs s'étaient remplis en plus de neuf décennies. D'emblée, il a choisi d'exclure « les souvenirs sentimentaux, spirituels et culturels », et tout ce qui peut contribuer à faire une autobiographie, pour privilégier son histoire médicale et, à travers elle, l'histoire de la médecine du XXe siècle et du début du XXIe siècle.
Il est en effet peu de médecins aussi représentatifs du succès médical de son siècle. Le « temps de l'apprentissage », que l'auteur estime à dix-huit années, est bien celui d'une époque qui permettait à un petit-fils d'artisan, fils de pharmacien et de dentiste, de devenir médecin ; qui ne doutait pas que l'ambition et l'esprit de compétition soient des vertus ; qui faisait des sciences humaines le bagage naturel de l'étudiant en médecine ; et qui donnait aux « maîtres » une place essentielle dans la formation des médecins.
Le Pr Lazorthes se plaît à reconnaître le caractère « exceptionnel » de la filiation hospitalo-universitaire qui fut la sienne et rend un hommage marqué à ceux qui lui ont ouvert les portes de l'anatomie, de la chirurgie, de la neurochirurgie, de la recherche : Henri-V. Vallois, J. Ducuing, Marcel Riser, René Leriche, Clovis Vincent, Louis Bugnard... Cette période fut-elle pour le jeune médecin « parfois incertaine » ? Elle fut, en tout cas, « laborieuse ». Mais elle apparaît surtout pleine d'enthousiasme et jalonnée de succès qui ne sont d'ailleurs pas uniquement médicaux, puisque l'étudiant collectionne les titres de champion de ski, avant de devenir brillant interne, moniteur d'anatomie, puis prosecteur, chef de clinique, et d'aller chercher des compléments de formation à Berlin, à Porto, à Paris, à Strasbourg, aux Etats-Unis, au Canada.
Tout au long des trente-quatre années suivantes, celles des responsabilités, il ne s'agissait pas moins pour Guy Lazorthes et ses confrères que d'être « de bons médecins, d'excellents chirurgiens, des chefs de service consciencieux et exemplaires, de bons pédagogues, des examinateurs justes, des démonstrateurs avertis, des chercheurs honnêtes et féconds, des administrateurs dynamiques et éclairés », et de le rester en dépit des inévitables « oppositions ». Ce qui n'empêche l'imposant tapis des fonctions et d'honneurs qui lui sont attribués de 1947 à 1980 de se dérouler « comme selon un programme préétabli » ; le maître de conférences agrégé d'anatomie et d'organogenèse est bientôt professeur titulaire d'anatomie, puis chef du premier service de neurochirurgie de Toulouse ; les missions internationales se bousculent et les publications se multiplient. De doyen officieux, le Pr Lazorthes se transforme vite en doyen officiel, pour quatre mandats successifs, soit douze années ; il est le premier président de la Conférence nationale des doyens de médecine, membre des académies de médecine et de science, promoteur de l'hôpital de Rangueil et de la réforme Debré à Toulouse...
La retraite finit par arriver, et voilà plus de vingt ans que « l'inactivité » professionnelle du Pr Guy Lazorthes lui permet de participer à de nombreuses associations savantes locales ou nationales qu'il préside « parfois », de militer pour l'Europe, d'écrire des ouvrages de vulgarisation et de réflexion à partir de sa spécialité, de skier, d'enseigner les sciences humaines aux étudiants en médecine...
Il semble quasi miraculeux d'avoir réussi à faire passer en 221 pages, outre cet impressionnant palmarès, un zeste d'autobiographie (malgré tout), ainsi que bon nombre de convictions, de réflexions, de remarques, d'histoires. L'ancien doyen n'en reste d'ailleurs pas aux souvenirs ou à l'autosatisfaction : il estime que l'uvre accomplie en matière de formation des étudiants d'hier, de mise en place de la réforme Debré ou de construction d'un hôpital est sans cesse à remettre sur le métier, en fonction des imperfections du système et de l'évolution de la société. Et ce ne sont pas les idées qui manquent au nonagénaire, « de plus en plus orienté vers le philosophique et le spirituel », pour améliorer l'avenir.
« Carnets d'un médecin universitaire », du Pr Guy Lazorthes, Editions Privat, 221 pages, 20,58 euros.
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