Soignants, et plus ou moins heureux de l'être

Publié le 03/02/2002
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La santé en librairie

Médecin de naguère

Il faut la préface du Pr Jean Bernard pour percevoir pleinement le poids de ce métier de médecin de campagne, si souvent appelé à affronter, « en pleine nuit, un problème médical très difficile avec des éléments scientifiques et des éléments affectifs, problème qu'il doit résoudre seul ».

En effet, le ton allègre que donne la journaliste Martine Leca à son héros François, médecin de campagne dans le Limousin des années soixante-dix, en le laissant s'exprimer à la première personne dans la plus grande partie du livre, laisse rarement percer la fatigue, le découragement, l'incertitude. Il est vrai que les patients de François ne sont pas précisément ennuyeux, avec leur langage imagé, leur solide bon sens et leurs conceptions de la santé issues d'une longue tradition qui jure parfois avec les conceptions médicales institutionnelles.
Quand le boulanger demande au docteur de « passer au fil du vent » ou qu'une femme épilogue sur les bénéfices secondaires du métier de facteur, quand la sœur du sacristain mort dans la nuit de sa belle mort explique comment les battements de cœur se sont ralentis jusqu'à s'arrêter à force de sommeil, quand les feuilles de chou au saindoux traitent les rhumatismes des mamies ou qu'une jeune femme compte sur saint Greluchon pour faire venir une grossesse longue à se déclarer, on a plutôt envie de sourire.
Et pourtant, on meurt aussi à la campagne dans les années soixante-dix, et pas seulement de sa belle mort : il arrive qu'on se suicide par balle, qu'on meure d'un cancer trop longtemps négligé, qu'on tue par amour, qu'on meure d'étouffement après avoir trop fumé... On souffre et on se rend malade, d'amour déçu, de fumée, de nourriture trop riche. Le médecin, lui, doit savoir tout faire : « Plâtrer, ponctionner les tympans, enlever les végétations adénoïdes, accoucher, panser, recoudre, aimer, écouter, rassurer, calmer. »
François ressent, au bout d'un certain temps, le besoin d'enrichir sa panoplie diagnostique et thérapeutique d'un brin de médecine chinoise, heureux complément à son sens de la médecine occidentale. Si sympathiques qu'apparaissent finalement la vie de François et celle de Florence, l'infirmière du lieu, elles les mènent en quelque trente ans, l'un à l'infarctus, l'autre à l'accident de la route. L'auteur les abandonne à l'orée d'une nouvelle vie dont elle ne dit pas grand-chose, mais qui semble fort agréablement imprégnée de douillette nature. Un souffle de nostalgie passe... Ce temps-là n'est plus ?

« Médecin de campagne », de Martine Leca, Cheminements (1 bis, rue du Moulin-à-Vent, Bron, 49260 Le Coudray-Macouard), collection « Gens d'ici », 143 pages, 14,94 euros.

BRILLAUD Dominique

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7058