C’EST DEVENU un poncif : Platon a confisqué son maître et a mis ses propres théories dans la bouche de celui qui n’écrivit point. On le lui reprochera moins si on se souvient qu’Aristophane, Xénophon et Aristote nous livrent un Socrate trop moqué ou trop loué. On le sait, le Socrate platonisé est l’homme du discours, du logos, celui qui veut révéler un savoir, même s’il va répétant qu’il ne sait qu’une chose, c’est qu’il ne sait rien, roublarde coquetterie.
De là, les deux temps contraires de la méthode. L’Ironie – mot qui, en grec, signifie questionnement –, montrant que les prétentieux qui croyaient savoir ne savent pas. Puis la maïeutique, qui révèle que les humbles qui pensaient ignorer savent, comme le montrent certaines réminiscences.
Il en résulte un Socrate ricaneur et désagréable qui horripilait Nietzsche. C’est à ce Socrate momifié que s’attaque François Roustang.
Lâcher prise.
D’abord, la relation maître-disciple lui semble pathogène, il l’a même étudiée dans le cas de Freud* et Lacan. Les dérives sectaires créées par la psychanalyse expliquent en grande partie son revirement. Ensuite, l’auteur démontre que Socrate est plus un artisan du non-savoir, quelqu’un qui demande de renoncer à des certitudes qui sclérosent notre existence. Il s’agit de lâcher prise sur des croyances devenues symptômes douloureux, de vivre différemment plus que d’accumuler des savoirs. D’où cette obsession socratique : la vertu ne peut pas s’enseigner.
François Roustang construit un autre Socrate, instruit par les chamans d’Orient, un sorcier souvent comparé au poisson torpille qui va endormir sa victime. Socrate narcotique paralyse plus qu’il ne cherche à dialectiser à la poursuite des essences platoniciennes.
Narcose, hypnose..., l’homme à face de silène propose même à Alcibiade, à la fin du « Banquet », un marché de « possession » ni platonicien ni platonique. C’est sûr, F. Roustang a tout pour déplaire aux hellénistes distingués.
François Roustang, « le Secret de Socrate pour changer la vie », Éd. Odile Jacob, 220 p., 23,50 euros.
* « Un destin si funeste », Payot, 1976.
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