TRAITER LES TOXICOMANES à l'aide d'un virus : ce projet paraît fou, mais un premier essai mené chez des rats drogués à la cocaïne vient de donner des résultats très prometteurs.
Il n'existe actuellement aucun traitement efficace permettant le sevrage des toxicomanes dépendants de la cocaïne. L'effet de différents antagonistes dopaminergiques a été testé chez l'animal et chez l'homme, mais les résultats obtenus sont très décevants. De ce fait, une nouvelle stratégie thérapeutique a récemment été développée : elle consiste en l'administration de protéines recombinantes capables de séquestrer ou détruire les molécules de cocaïne présentes dans l'organisme des toxicomanes.
Plusieurs études ont démontré le potentiel de cette stratégie : chez l'animal, des anticorps anti-cocaïne permettent de réduire significativement les effets psychostimulants de la drogue. Ces anticorps agissent en retardant l'arrivée de la cocaïne dans le cerveau. Ils retiennent la drogue dans le sang périphérique des animaux. Mais ce principe de traitement serait encore plus efficace si l'anticorps anti-cocaïne pouvait agir directement au niveau du système nerveux central.
Virus bactériophages.
C'est précisément pour parvenir à ce résultat que Carrera et coll. ont eu l'idée d'utiliser des bactériophages. Ces virus qui infectent spécifiquement les bactéries sont en effet capables d'atteindre le système nerveux central des mammifères lorsqu'ils sont administrés par voie intranasale. Par ailleurs, il est techniquement très simple et peu coûteux de modifier leur génome pour qu'ils expriment une protéine recombinante à leur surface.
Carrera et coll. ont donc manipulé le génome d'un bactériophage de manière à ce qu'il exprime un anticorps anti-cocaïne. Après avoir vérifié que le phage obtenu possédait non seulement une très grande affinité pour la cocaïne, mais aucune affinité pour d'autres protéines, les chercheurs l'ont administré à des rats, deux fois par jour pendant trois jours.
L'analyse du cerveau des animaux a permis de détecter des bactériophages à partir du deuxième jour suivant le début du traitement. La concentration intracérébrale des phages augmente jusqu'au quatrième jour puis décroît brutalement entre le cinquième et le septième jour. Cependant, des virus restent détectables jusqu'au quinzième jour.
Le quatrième jour, les rats ont reçu une injection de cocaïne et leur comportement a été comparé à celui de rats non traités par le bactériophage ou traités par un bactériophage n'exprimant pas l'anticorps anti-cocaïne. Il est apparu que le prétraitement par le virus réduit les effets psychostimulants de la cocaïne : l'augmentation de l'activité locomotrice induite par 15 mg/kg de cocaïne est diminuée de 47 % chez les rats traités par les bactériophages anti-cocaïne. De même, les comportements stéréotypés associés à l'effet de la cocaïne sont significativement plus rares chez les animaux traités.
Selon Carrera et coll., ces résultats sont très prometteurs. Ils espèrent améliorer leur protocole et l'adapter à la prise en charge d'autres types de toxicomanie ou même au traitement d'intoxications xénobiotiques.
M. R. Carrera et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée, à paraître prochainement sur www.pnas.org
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