Les 2es états généraux ont été l'occasion d'attirer une seconde fois l'attention des pouvoirs publics sur la SLA. Et, cette fois-ci, de façon efficace. Le colloque était organisé par l'Association pour la recherche sur la SLA (ARS), avec le concours du « Quotidien du Médecin », du Journal de la santé (La Cinquième) et le soutien du Laboratoire Aventis. « Notre principale demande : l'obtention d'un investissement public à hauteur de 15 millions de francs, pour permettre la mise en place sans délai de cinq centres experts en France », explique Michèle Fusselier, présidente de l'ARS. Demande entendue, puisque le ministre délégué à la Santé s'est engagé à financer les quatre premiers centres de référence pluridisciplinaires. La mission de ces centres est simple : lancer une campagne d'information et de formation sur la SLA à destination des médecins et des personnels soignants. Car la prise en charge médicale de la maladie laisse à désirer.
« Prévenez votre famille, voyez votre notaire » : ces propos, dont la brutalité se passe de commentaires, ont plus que choqué le malade qui en était le destinataire. Le médecin qui en est à l'origine a sans doute manqué de tact lorsqu'il a annoncé son diagnostic. La faute à un manque de formation sur cette maladie rare ou bien à une personnalité peu respectueuse d'autrui ? « Ne croyez pas que ce triste scénario soit un cas isolé, commente Michèle Fusselier. De même, la trop longue errance diagnostique peut avoir des répercussions néfastes sur le moral du patient. En témoignent ces malades de SLA qui ont été baladés de généralistes en rhumatologues, pour finir pour l'un par être opéré d'une hernie discale et pour l'autre, envoyé chez un psychiatre. »
Au cours des 2es états généraux de la SLA, divers médecins ont exprimé leur souhait d'accélérer la pose du diagnostic et d'humaniser l'entretien d'annonce. Entre l'apparition des premiers symptômes, signalés au généraliste, et la pose du diagnostic par un neurologue, de quatorze à vingt et un mois s'écoulent en moyenne. Autant de temps de perdu, qui retarde la prescription du Riluzole, seul médicament capable de ralentir l'évolution de la maladie. Il faut reconnaître que le diagnostic clinique de SLA est à la fois simple et compliqué. Au début, en l'absence d'examen biologique spécifique, le diagnostic repose exclusivement sur des arguments cliniques. Cette pathologie neurologique se manifeste par des atteintes des motoneurones corticaux, avec hypertonie ou spasticité, exagération des réflexes ostéo-tendineux et inversion du réflexe cutané plantaire. A ce tableau déjà lourd s'ajoutent des manifestations d'atteinte de motoneurones spinaux ou bulbaires, entraînant des fasciculations, des crampes, des paralysies avec atrophie musculaire et une diminution ou abolition des réflexes ostéo-tendineux. En revanche, il n'y a pas d'atteinte des sphincters ni d'atteinte cognitive.
Pour confirmer le diagnostic, le médecin peut avoir recours à divers examens complémentaires. Il est indispensable de faire un EMG pour affirmer qu'il existe bien une atteinte des motoneurones de la corne antérieure de la moelle épinière. En fonction du tableau clinique, des examens sanguins, une ponction lombaire, des examens radiologiques, voire des biopsies, peuvent être proposés.
Une lutte contre la montre
Dès que le médecin possède un degré de certitude suffisant quant à la fiabilité du diagnostic de SLA, il doit l'annoncer au plus vite au patient. « A l'inverse de la sclérose en plaques ou des myopathies, la SLA évolue souvent très rapidement, explique le Pr William Camu, du CHU Gui-de-Chauliac, à Montpellier. De plus, le Rilutek n'est efficace que s'il est pris très tôt. En conséquence, le médecin ne peut perdre un ou deux ans avant d'informer son patient. C'est une lutte contre la montre. »
Toutefois, il ne s'agit pas d'annoncer n'importe quoi à n'importe qui. Pour éviter les discours inadmissibles, il convient de suivre une « stratégie d'annonce ». Qui tient compte, avant toute chose, du fait que le malade de SLA est, à l'inverse de celui touché par l'Alzheimer, conscient de son état jusqu'au bout. Au lieu du terrible « Il ne vous reste que trois ans » lâché à la va-vite au détour d'un couloir ou, pis, au téléphone, mieux vaut utiliser un discours clair, qui explique la pathologie et son évolution. La SLA est caractérisée par une grande variabilité clinique ; son évolution, fatale à 90 %, peut durer de trois mois à trente ans. Rien ne sert de cacher ces incertitudes médicales. « Pour être sûr que l'interprétation du malade sera la bonne, le médecin doit faire preuve de patience et de disponibilité, quitte à réexpliquer les mêmes détails dix fois de suite, si nécessaire », insiste le Pr Jean Pouget, de l'hôpital de la Timone à Marseille. Les consultations suivant celle de l'annonce ont également leur importance. Si le médecin sent son patient embrouillé, il peut, par exemple, lui suggérer de revenir plus tard avec une liste de questions précises.
Refuser d'annoncer le diagnostic peut avoir des conséquences fâcheuses pour d'autres raisons encore. Le patient peut désormais exiger son dossier médical. Or, « si le malade devait apprendre sa maladie en lisant son dossier, c'est que le système aurait notablement failli, estime Michèle Fusselier. Le droit d'accès au dossier médical ne décharge pas le médecin de sa mission d'information et d'accompagnement du malade, bien au contraire. » Se pose en outre le problème de l'information de la famille quand le malade est seul au moment de l'annonce et qu'il refuse ensuite d'en parler à ses proches. « Dans ce cas, le médecin doit expliquer à son patient, sans faire pression pour autant, que le dialogue est préférable à l'isolement social », explique William Camu, qui estime que « c'est au médecin qui fait le diagnostic que revient la tâche de l'annonce. Les spécialistes, et particulièrement les neurologues, doivent cesser de se reposer sur les généralistes. »
Un dialogue suivi
Denis Treppoz, responsable de la coordination des antennes locales de l'ARS, rappelle la nécessité d'un soutien psychologique pendant le suivi de la maladie, de même qu'au moment de l'annonce. Or, si les psychologues sont présents au sein des services hospitaliers de neurologie, le problème se pose quand le patient consulte un neurologue libéral. Que lui répondre quand le malade demande s'il « doit transformer son logement, modifier sa douche, déménager, ou si c'est la peine d'investir ? ».
Le dialogue s'impose tout au long de la maladie, notamment quand il s'agit de prendre une décision chirurgicale invasive comme la gastrotomie. « Une telle intervention ne devrait pas être réalisée sans l'accord préalable du patient, estime Michèle Fusselier. Or il est encore trop fréquent qu'une personne se réveille en apprenant qu'elle vient de subir une trachéotomie, très contraignante, alors que la respiration assistée, non invasive, a fait ses preuves depuis longtemps. » Reste à voir si le lancement des centres va modifier les comportements de certains médecins.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature