De notre correspondante
à New York
L A sclérose latérale amyotrophique, aussi appelée maladie de Charcot en France et maladie de Lou Gehring (célèbre joueur de base-ball) aux Etats-Unis, est une des maladies neurodégénératives les plus fréquentes. Elle est caractérisée par une perte progressive et sélective des neurones moteurs.
Bien que l'âge d'apparition de la maladie et sa durée d'évolution varient grandement, les symptômes cliniques apparaissent typiquement dans la seconde moitié de la vie, et le décès survient le plus souvent dans les cinq ans suivant le diagnostic.
Le mécanisme sous-jacent reste obscur. Deux pour cent des cas sont causés par des mutations dans le gène codant pour la superoxyde dismutase (SOD1), enzyme qui élimine les radicaux libres produits en cas d'hypoxie ou de stress divers. Les mutations n'inactivent pas la SOD mais produisent une enzyme toxique pour les cellules. Il reste à savoir comment des mutations, dans une enzyme exprimée dans toutes les cellules, affectent seulement les neurones moteurs adultes.
Une équipe internationale, dirigée par le Dr Peter Carmeliet (université de Leuven, Belgique), implique maintenant le VEGF (Vascular Endothelial cell Growth Factor) dans la pathogenèse de la dégénérescence du motoneurone.
La croissance et la perméabilité des vaisseaux sanguins
En réponse à des diminutions minimes d'oxygène, de nombreuses cellules accumulent rapidement des facteurs de transcription, lesquels stimulent l'augmentation de l'expression du VEGF (et d'autres gènes) en se liant à l'« élément de réponse à l'hypoxie » (HRE) dans le promoteur de ces gènes. Le VEGF stimule la croissance et la perméabilité des vaisseaux sanguins et maintient ainsi la perfusion vasculaire.
Oosthuyse, Carmeliet et coll. ont créé des souris knock-out en enlevant la séquence HRE dans le promoteur VEGF. Ces souris ont une expression de base normale du VEGF, mais sont peu capables d'augmenter l'expression du VEGF en réponse à l'hypoxie. Les résultats sont inattendus : les souris, qui vivent après la naissance, développent un profond déficit moteur, apparaissant à l'âge de 6 mois et progressant ensuite. Les principales caractéristiques de la SLA sont observées chez ces animaux : dépôt de neurofilaments dans les neurones moteurs de la moelle épinière (ME) et du tronc cérébral (TC), dégénérescence des axones moteurs et atrophie musculaire induite par la dénervation. Comme dans la SLA, seuls les neurones moteurs sont atteints.
Les résultats suggèrent deux nouveaux mécanismes qui pourraient provoquer la perte sélective des neurones moteurs. La neurodégénérescence semble être due à une diminution de perfusion vasculaire. En effet, bien que la croissance des vaisseaux sanguins semble être normale dans la ME des souris, il existe une diminution subtile du flux sanguin dans leur cerveau et ME. Les motoneurones pourraient être extrêmement sensibles à une légère insuffisance de l'apport sanguin. Deuxièmement, le VEGF pourrait agir directement sur les neurones comme un facteur neurotrophique ou neuroprotecteur.
La mort cellulaire induite par l'hypoxie
Les chercheurs confirment que le VEGF, en se liant au récepteur neuropiline-1 sur les neurones, permet la survie des neurones moteurs primaires in vitro et peut les protéger contre la mort cellulaire induite par l'hypoxie. Ainsi, l'expression du VEGF induite par l'hypoxie pourrait être un facteur de survie importante pour les motoneurones chez l'adulte.
En conclusion, « une expression anormale du VEGF pourrait constituer un facteur de risque jusqu'ici inconnu pour la dégénérescence du motoneurone », notent les chercheurs. Même chez les patients qui ont une SLA due à une mutation du SOD, une variation génétique de la régulation du VEGF pourrait expliquer les variations considérables du phénotype au sein d'une famille, ajoutent-ils. Cette souris knock-out offre un bon modèle animal pour mieux comprendre la maladie.
Enfin, remarquent les chercheurs, « il faudrait maintenant examiner soigneusement les conséquences de l'administration chronique des inhibiteurs du VEGF, KDR et/ou NRP1, qui sont évalués pour bloquer l'angiogenèse dans le cancer et d'autres troubles non cancéreux ». « Ces résultats provoqueront certainement une recherche rapide pour identifier des altérations dans les taux du VEGF et les taux des éléments du signal HIF chez les patients affectés de SLA familiale et sporadique, et pour identifier des mutations dans les gènes correspondants chez ces patients », notent les Drs Skene (Duke University, NC) et coll. dans un commentaire associé.
« Nature Genetics », juin 2001, pp. 131 (étude) et 107 (éditorial).
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