DEPUIS 1984, le comportement et l'état de santé apparent des chimpanzés du Taï National Park, en Côte d'Ivoire, sont étudiés de près ; actuellement, trois communautés (Nord, Centre, Sud) de chimpanzés sont sous observation. En octobre 2001, quatre individus apparemment en bonne santé de la communauté du Nord (Dorry, Gargantua, Gisèle et Goma) ont quitté le groupe principal et n'ont pas été suivis par les observateurs. Trois jours plus tard, les restes - datant d'un ou deux jours - de trois de ces quatre chimpanzés, ont été retrouvés à cinquante mètres les uns des autres. Six semaines plus tard, un squelette, attribué à Goma a été découvert à 200 mètres de là.
Un nouveau groupe de décès inattendus est survenu dans la communauté du Centre en février 2002. Le corps de Noah, un jeune mâle qui, auparavant, ne présentait pas de signe de maladie, a été retrouvé le 13 février près de sa couche ; il était mort depuis environ cinq heures. Le lendemain, Léo, le mâle dominant de la même communauté, fut soudain pris de signes de faiblesse, vomit à plusieurs reprises, et mourut au bout de deux heures. Un autre membre de la communauté, Koulo, observé le même jour, a disparu et n'a jamais été retrouvé ; il est présumé mort. Enfin, en juin 2002, Olduvai, un mâle de la communauté du Sud, a été retrouvé sur le point de mourir moins de trois heures après avoir été observé en parfaite santé.
Ecchymoses dans presque tous les organes.
Au total, huit morts subites ont été enregistrées dans les trois communautés entre octobre 2001 et juin 2002, alors que tous étaient étaient en apparente bonne santé peu de temps avant ; ce qui suggère qu'un agent infectieux est en cause. Des échantillons des six cadavres disponibles ont été analysés ; ils étaient négatifs pour les filovirus et les arenavirus Ebola, Marbourg et Lassa. L'examen des restes de Léo et Noah a montré des petites ecchymoses dans presque tous les organes internes, surtout les intestins et les poumons. Ces derniers étaient aussi le siège d'œdèmes et d'emphysème. L'examen microscopique a montré des bactéries Gram+ en forme de bâtonnets dans la rate, le foie, les poumons, les ganglions lymphatiques et l'intestin ; ce qui suggérait qu'une infection bactérienne aiguë était la cause des décès. Les analyses plus poussées ont montré que les six cadavres étaient positifs pour Bacillus anthracis, l'agent du charbon, et qu'ils avaient été infectés par la même souche. Ces résultats suggèrent que les six chimpanzés - ainsi, probablement, que les deux autres, Goma et Koulo - sont morts du charbon. Comment se sont-ils infectés ? Nous n'en sommes qu'aux hypothèses.
Première hypothèse : la consommation d'animaux infectés, comme les herbivores ongulés, qui sont le plus souvent atteints. Mais on a observé, depuis plus de seize ans dans le Taï National Park, que les chimpanzés ignorent les antilopes et autres proies. Seconde possibilité : l'ingestion de spores dans l'eau de boisson. Dans ce cas, on aurait du observer le décès d'autres espèces mais on n'a pas retrouvé d'autres cadavres d'animaux. Cela dit, les points d'eau sont nombreux et on a pu facilement passer à côté de carcasses.
Décourager la chasse et la consommation de viande de brousse.
Quelle que soit la source de contamination, la survenue de charbon chez des primates non humains peut signifier non seulement une menace pour les espèces en danger mais aussi un risque potentiel pour l'homme. On a l'exemple du STLV1, du SIV et du virus Ebola qui sont passés aux primates y compris l'homme ; ce qui signifie que la chasse et la consommation de viande de brousse peut exposer l'homme à une grande quantité de pathogènes mortels et devraient être grandement découragés.
Fabian Leendertz et coll. « Nature » du 22 juillet 2004, pp. 451-452.
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