LUNDI, le ministre turc de la Santé, Recep Akadg, annonçait que 12 malades porteurs du virus hautement pathogène H5N1 – selon les résultats de tests pratiqués dans un laboratoire turc – étaient hospitalisés dans le pays et que ces cas s’ajoutaient aux deux décès déjà recensés. Les résultats des prélèvements effectués sur 32 autres patients considérés comme possiblement infectés par le virus devraient être disponibles dans les prochains jours, de même que ceux de l’analyse effectuée à le demande de l’OMS par le laboratoire britannique de référence. Le ministre a aussi précisé que l’épizootie s’étendait progressivement à l’ensemble du territoire (un cinquième des provinces pourrait être atteint) et que des animaux malades avaient été signalés dans la banlieue d’Istanbul (ville de Kuçukçekmece, située sur la rive européenne de la ville).
De l’Est à l’Ouest.
Si les premiers cas étaient tous originaires de l’est du pays (à la frontière de l’Iran et de l’Arménie), quatre nouveaux malades ont été détectés dans le nord. Un cinquième a été admis à l’hôpital de Van, dans l’est, ville où étaient décédés les deux premiers enfants issus d’une même famille originaire de la ville de Dogubeyazit. Un troisième enfant de cette famille est également décédé la semaine dernière à l’hôpital de Van, mais les causes du décès ne sont pas encore connues. Le 8 janvier, les autorités sanitaires turques avaient signalé la présence de trois malades hospitalisés dans la capitale, Ankara, confirmant ainsi la progression de la maladie depuis les régions rurales de l’Anatolie orientale vers les zones plus industrialisées de la partie occidentale du pays.
La recherche d’un réassortiment.
Pour le Pr Bruno Lina, virologue au CHU de Lyon, interrogé par « le Quotidien », «même si les cas ne sont pas encore formellement confirmés par un laboratoire indépendant, l’épidémiologie laisse penser que le virus H5N1 est actuellement l’agent infectieux le plus probable. Il s’agit en effet, comme c’était le cas pour la plupart des cas asiatiques confirmés, d’enfants et d’adolescents qui ont eu un contact avéré avec des volailles malades ou mortes. Aucune transmission interhumaine n’a jusqu’à présent été signalée et seule l’analyse du génome des virus permettra d’apprécier une éventuelle adaptation virale ou un réassortiment des gènes qui pourraient majorer le potentiel infectieux de H5N1. Actuellement, il semble circuler en Turquie de façon sporadique du virus A(H3N2) de la grippe saisonnière et une coïnfection par les deux virus pourrait conduire à un réassortiment génique qui majorerait le potentiel infectieux de H5N1».
François Moutou, vétérinaire à l’unité d’épidémiologie à l’Afssa, analyse l’épizootie pour « le Quotidien » : «En septembre, les premiers cas recensés en Turquie sur les dindes semblaient être liés à une contamination par des oiseaux migrateurs en provenance d’Asie et en route vers des pays du sud-est de la Méditerranée. Que s’est-il passé depuis cette date pour en arriver à la situation actuelle? On peut penser, d’une part, que le dépistage a été mal conduit dans des régions où chaque famille élève des volailles pour sa propre subsistance. Dans ces conditions, la sous-notification des cas est probable. Par ailleurs, on ne peut exclure un défaut d’information de la population et l’absence de mesure d’indemnisation des volailles abattues dans le cadre d’élevage familial. On sait que les abattages d’animaux d’élevage industriels (de 20000 à 30000 depuis le mois de septembre) ont en revanche donné lieu à des indemnisations.» Actuellement, en raison de la rudesse de l’hiver turc, la plupart des volailles cohabitent avec les humains dans des conditions de promiscuité propices au passage des virus entre les espèces.
Le 8 janvier, la Société internationale des maladies infectieuses analysait la situation : «Depuis le début de l’épizootie en 2003, les cas humains surviennent en moyenne deux mois après la détection de cas animaux. La diffusion rapide du virus en Turquie devrait souligner la nécessité urgente de mettre en place des moyens d’analyse, de contrôle et d’intervention.»
Le foyer turc et l’Europe
La Commission européenne a annoncé lundi de nouvelles mesures de protection contre la grippe aviaire, interdisant l’importation de plumes non traitées en provenance des six pays voisins des zones touchées de l’est de la Turquie (Azerbaïdjan, Arménie, Géorgie, Syrie, Iran et Irak). Une équipe d’experts a été dépêchée afin d’analyser la situation épidémiologique sur place et d’aider les autorités turques à y faire face. Parallèlement, la Commission européenne a estimé qu’Ankara avait pris les « mesures nécessaires » face à la propagation de la grippe aviaire en Turquie, refusant de se joindre aux critiques qui, dans le pays, ont dénoncé une mauvaise gestion des autorités de santé.
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