Classique
Le décor de cette nouvelle production de la « Salomé » de Richard Strauss a le mérite d'occuper toute la longue scène de l'Opéra-Bastille et de bénéficier d'éclairages impressionnants d'inventivité. On est bien, comme prescrit, au clair de lune sur « une grande terrasse dans le palais de Hérode donnant sur la salle de festin ». Seule la citerne, prison de saint Jean-Baptiste, est remplacée par une grande cage à fauves que l'on tire à volonté de l'autre extrémité de la scène, dans laquelle le prophète est malheureusement trop éloigné du public pour donner toute la dimension tragique de son personnage. Les costumes, réalisés dans des tonalités pâles, allant du blanc au jaune, n'aident pas non plus le spectateur à se repérer facilement dans les personnages et gomment le caractère oriental de la pièce. Au moins n'est-on plus au bazar comme chez Engel, et, si la direction d'acteurs de Lev Dodin avait été plus soignée, plus inventive, on tiendrait presque une mise en scène idéale pour une scène de ce type.
Mais l'événement attendu était la prise de rôle de Karita Mattila qui, une fois de plus, n'a pas déçu les attentes du public. Sa « Salomé » est vocalement certainement la plus belle que l'on puisse entendre aujourd'hui. Avec les moyens que l'on sait, elle passe facilement au-dessus de l'orchestre si riche et rutilant de Strauss, projette aisément dans ce vaste auditorium, sait donner toutes les couleurs voulues pour exalter ce drame érotique, et cela dans toute l'énorme tessiture du rôle, même si les graves ont un peu tendance à être « poitrinés ».
La scène finale d'un érotisme cruel au bord de la folie était sensationnelle, n'était l'orchestre qui aurait pu exalter davantage la sauvagerie et la lubricité que contient la partition. On attend avec impatience, tant la couleur vocale annonce le rôle, l'Isolde qu'elle devrait chanter pour la première fois au Covent Garden de Londres en 2007.
A Mattila, la comédienne, reste encore du travail pour se débarrasser de quelques minauderies, même si elle est assez crédible dans ce rôle de princesse adolescente. Assez, car la « Danse des sept voiles » en était le point faible. Peu de chanteuses ont réussi à dominer ce morceau de bravoure qui doit s'achever dans la nudité (elle n'enlève que le bas, mais c'est assez pour comprendre qu'une doublure aurait mieux fait l'affaire).
On espère que les représentations suivantes verront le retour de la grande Hérodiade d'Anja Silja, malade le premier soir. La Suisse Julia Juon, qui la remplaçait, avait pour elle le mérite de débarquer dans une production dont la direction d'acteurs assez floue lui permettait d'improviser sans grande autorité sa prestation. Le Hérode de Chris Merritt est un peu caricatural, mais vocalement très solide. Bien qu'annoncé comme souffrant, Falk Struckmann était un magnifique Jochanaan, avec les réserves scéniques que l'on a dites.
Parmi les seconds rôles, le Naraboth de William Burden brillait d'une voix superbement timbrée, se jouant comme par miracle de l'atroce acoustique du lieu. James Conlon, comme dans les opéras de Zemlinsky dont il s'est fait une spécialité, a prouvé une fois de plus que ce répertoire lui convient à merveille et a tenu exemplairement son orchestre, même si, comme on l'a souligné, le climax de l'uvre manquait un peu de la folie malsaine essentielle à l'uvre.
Opéra-Bastille (08.92.69.78.68) les 7, 15 et 18 octobre, à 19 h 30 ; le 12 à 14 h 30. Prix des places : de 10 à 114 euros. Retransmission en direct sur France-Musiques le 18 octobre à 19 h 30. Prochains spectacles : « la Bohème », de Puccini, jusqu'au 30 octobre ; « Il Trovatore », de Verdi, du 23 octobre au 30 novembre.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature