«O N aurait aimé ne jamais avoir 10 ans » lance Yves Serrarini, directeur de SIDA Info Service, le service d'écoute, confidentiel, anonyme et gratuit, ouvert 24 heures sur 24*.
Dix ans après sa création, SIDA Info Service reçoit toujours autant d'appels de personnes séropositives, de malades ou encore de personnes saines mais inquiètes, car le SIDA est toujours là. Néanmoins, les immenses progrès thérapeutiques réalisés dans la lutte contre la maladie ont changé la donne : « La forme d'expression a changé. Les personnes qui nous contactent ne sont plus dans le désespoir, dans cette idée d'une mort inéluctable. On n'entend plus au bout du fil : "Je vais mourir demain" ou "Je n'ai pas la maîtrise du temps". » En revanche, la difficulté de faire un test, de dire que l'on est séropositif, de vivre avec le traitement, la peur d'être identifié comme « séropo » par le seul regard de l'autre : tout cela est intact.
Selon les dernières statistiques de SIDA Info Service, 80,9 % des entretiens commencent par une demande d'informations ou de renseignements et 10,1 % par une demande d'orientation. Seulement 5 % des entretiens commencent par une demande de soutien. Cependant, sur ces 91 % d'appels portant initialement sur une information ou une orientation, 9,8 % débouchent sur une démarche de soutien et 12,4 % sur une démarche d'aide à la décision.
Pour les personnes atteintes, ce sont près d'un tiers des entretiens (31,8 %) qui commencent d'emblée sur une demande de soutien. « Même s'ils ne sont plus désespérés, les gens nous appellent quand ils voient des signes qui les alertent, quand des examens biologiques bougent, explique Yves Serrarini. Les personnes séropositives sont toujours confrontées à des menaces fortes sur l'efficacité du traitement, sur ses effets secondaires comme les lipodystrophies. Même s'il existe des signes encourageants, il s'agit de signes fragiles. La plupart des personnes se disent que l'on n'est toujours pas dans une histoire chronique. Il y a les troubles de la libido, les effets secondaires. Ce sont des handicaps sérieux. »
Transmission, dépistage et aspects psychologiques restent les thématiques les plus abordées. Néanmoins, les questions sur les examens/traitements et la sexualité sont en progression sensible. A l'inverse, les demandes portant sur d'autres pathologies que le VIH régressent, en raison notamment de la place prise par Hépatites Info Service.
Une maladie invisible
Après une baisse des appels durant deux ans, en 1997-1998, la fréquence des entretiens téléphoniques augmente à nouveau en 1999, puis reste stable en 2000. Yves Serrarini avance une explication : « Le SIDA est devenue une maladie invisible. Le malade est dans l'anonymat. Alors, quand ça va mal, c'est plus dur de parler à quelqu'un. Nous retrouvons donc notre fonction, celle de parler à ces moments-là ».
Les hommes représentent 62,9 % des appels et 65,8 % des appelants ont entre 20 et 39 ans. Seule est à noter une petite progression de la proportion d'appels (+2 %) entre 40 et 49 ans, due au vieillissement des générations les plus concernées par l'épidémie. La durée moyenne d'un entretien est de 6 minutes, soit une progression de 7 % par rapport à 1999. Les appels proviennent en priorité de Paris (21,6 % des appels), puis des Bouches-du-Rhône (5,2 %), des Hauts-de-Seine (4,2 %), etc.
La gestion du risque
SIDA Info Service s'est découvert une nouvelle fonction : la gestion du risque. « Nous aidons les gens à mieux évaluer la prise de risque », souligne son directeur. D'un point de vue juridique, le PACS constitue selon lui « une modification intéressante. Moins de difficultés se posent sur les droits de succession. En revanche, il y a toujours le problème de l'emprunt, de l'assurance, et de l'emploi ».
Les progrès thérapeutiques ont permis aux malades d'envisager de reprendre ou d'entreprendre une activité professionnelle : « Cette insertion dans le monde du travail est difficile. Même si les médecins du travail ont changé de comportement, le salarié continue à le voir bien souvent comme une menace plutôt que comme une aide. »
Depuis sa création, SIDA Info Service a toujours cherché à s'adapter à l'évolution de l'épidémie. 2001 va lui permettre de concrétiser deux projets : l'ouverture, le 25 juin prochain, d'un standard en langues étrangères (espagnol, ligala**, arabe, russe, anglais), trois fois par semaine, et l'instauration d'une nouvelle ligne sur tous les aspects liés à la sexualité.
* 0.800.840.800.
** L'un des dialectes les plus parlés en Afrique.
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