Cinq cent mille nouveau-nés et cinq cent mille toxicomanes contractent chaque année le VIH, parce que la réalité du virus n'est pas prise en compte, estime la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui lance une campagne mondiale mondiale de prévention de deux ans.
« Ouvrez les yeux, la stigmatisation tue », écrit son président dans une lettre aux 178 sociétés qui regroupent 97 millions de volontaires et de membres. « De nombreuses mères préfèrent ne pas se soumettre à un dépistage, ou ne pas aller chercher les résultats, ou ne pas prendre de mesures après en avoir eu connaissance. Elles ont peur d'être stigmatisées par leur famille, leurs amis, leur employeur ou les autorités si elles sont séropositives ».
L'autre groupe à risque auquel s'intéresse la Croix-Rouge est celui des toxicomanes auxquels de multiples pays refusent l'accès à des seringues propres. En Russie et dans certains anciens satellites de l'ex-URSS, environ 1 % de la population qui s'injecte des drogues dures est particulièrement exposée, ainsi qu'en Chine.
Au total, 40 millions de personnes dans le monde vivent avec le VIH, dont 17,6 millions de femmes et 2,7 millions d'enfants de moins de 15 ans. En 2001, 5 millions de nouveaux cas ont été recensés, soit presque autant qu'en 1999. C'est bien sûr en Afrique qu'on trouve le plus grand nombre de victimes, avec pour épicentre la zone subsaharienne où l'espérance de vie n'est plus que de 47 ans, au lieu de 62 ans sans le SIDA. L'Europe de l'Est subit une forte poussée de l'épidémie ; dans la seule fédération de Russie, le nombre de nouveaux contaminés a doublé chaque année depuis 1998. Au Cambodge ou en Thaïlande, le taux de progression varie de 2 à 4 % l'an, à l'instar de l'Afrique de l'Ouest. Enfin, l'Inde arrive au deuxième rang, derrière l'Afrique du Sud, pour le nombre d'hommes et de femmes infectés.
Renforcer le système d'éducation
Face au fléau, qui pourrait réduire le produit intérieur brut des pays en développement les plus touchés de 20 % d'ici à 2020, la Banque mondiale réclame le renforcement de la scolarisation. Le SIDA tue les enseignants plus rapidement qu'on ne peut les former, comme il fait grossir les rangs des orphelins. Avec déjà plus de 113 millions d'enfants de 6 à 12 ans, dont les deux tiers sont des filles, qui ne sont pas scolarisés, le SIDA aggrave de manière considérable le sort des régions les plus pauvres, insiste l'organisation internationale de développement.
En République Centrafricaine, 85 % des professeurs décédés entre 1996 et 1998 étaient séropositifs et sont morts en moyenne dix ans avant l'âge de leur retraite. Dans des parties de l'Ouganda et du Malawi, au moins 30 % du corps enseignant sont porteurs du VIH ; cette proportion est de 20 % en Zambie et de 12 % en Afrique du Sud.
La Banque mondiale cible surtout, pour les efforts de formation, les enfants de 5 à 14 ans « qui représentent la tranche d'âge la plus prometteuse dans la mesure où le risque d'être infecté est le plus faible ». Un deuxième groupe visé sont les 15 à 24 ans, parmi lesquels environ 60 % des nouveaux cas de SIDA apparaissent chaque année dans de nombreux pays où l'ignorance du danger demeure très élevée.
Pour le Dr Peter Piot, directeur exécutif de l'ONUSIDA, le programme commun des Nations unies sur le VIH/SIDA, il est impératif que les gouvernements impliqués élargissent leurs efforts pour offrir aux jeunes prévention et soins. « Les outils dont nous avons besoin sont bien connus, mais trop peu sont utilisés », a-t-il déclaré, le 10 mai, devant la session des Nations unies consacrée aux enfants.
Quotidiennement, 6 000 de moins de 24 ans et 2 000 de moins de 15 ans sont contaminés par le VIH. Plus de 13 millions d'enfants ont été rendus orphelins par le SIDA, et 1 600 autres meurent chaque jour. 10 % des 40 millions de personnes vivant avec le virus dans le monde sont âgées de moins de 18 ans. « Il importe de réduire la prévalence du virus chez les jeunes de 25 % dans les pays les plus atteints d'ici à 2005, et à l'échelon mondial d'ici à 2010 », insiste le Dr Peter Piot en rappelant les engagements de l'Assemblée générale de l'ONU sur le VIH/SIDA en 2001.
Les programmes de prévention de la transmission de la mère à l'enfant, qui touchent moins de 5 % des femmes en Afrique, « doivent être mis à niveau ». Un simple traitement médicamenteux peut aider de manière spectaculaire à diminuer la propagation du virus pendant l'accouchement. Quant aux enfants rendus orphelins, « ils ont besoin de l'aide de leur gouvernement et de leur communauté pour rester à l'école, se nourrir décemment et participer à des activités génératrices de revenus ».
En fait, conclut le Dr Peter Piot, il suffit de respecter la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant, qui met l'accent sur « le meilleur état de santé possible, l'éducation, l'information sanitaire, la protection contre la stigmatisation et la protection contre l'exploitation » (sexuelle).
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