« Aucune recherche scientifique, quel que soit son intérêt, ne doit primer ni sur les droits, ni sur la sécurité des malades. »
Au nom de ce principe, des associations de lutte contre le SIDA, regroupées au sein du groupe TRT-5, ont obtenu la suspension d'un essai sur les anomalies de la répartition des graisses chez les personnes séropositives sous trithérapie. Leur but est de parvenir à ce que cet essai cesse définitivement. L'issue de la bataille dépend désormais du ministère de la Santé.
Reprenons l'affaire à son début. En novembre 2000, le Pr Pierre Dellamonica, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de l'Archet, à Nice, entreprend un essai consistant à effectuer --sous anesthésie générale - des prélèvements de tissus sur des patients volontaires, afin d'améliorer la compréhension des lipodystrophies cutanées, l'un des principaux effets secondaires des multithérapies antirétrovirales. Un phénomène qui conduit d'ailleurs certains malades à abandonner le traitement.
Plusieurs groupes de patients
Dans cet essai, l'étude des anomalies lipidiques est menée auprès de différents groupes de patients, les patients d'un même groupe prenant le même traitement (antiprotéases ou inhibiteurs non nucléosidiques de la reverse transcriptase). Quinze patients ont déjà été inclus dans ce protocole physiopathologique, prévu pour porter sur 80 personnes. Des comparaisons sont faites avec des groupes de patients infectés, mais ne prenant pas de traitement, et des groupes de patients non infectés chez qui des prélèvements sont faits à l'occasion d'une intervention chirurgicale pour un autre motif.
Au début de l'année 2000, le comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) d'Aix-en-Provence avait émis un avis favorable. Le ministère de la Santé avait donc entériné. Tout étant fait dans les règles, le Pr Dellamonica pouvait commencer ses essais.
« Nous n'avons pas été entendues » tempêtent les associations, qui se sont empressées de dénoncer l'expérimentation auprès du Conseil national du SIDA (CNS). Leur argument est le suivant : « Cet essai, disent-elles , fait courir un risque médical important aux personnes séropositives. Celles-ci doivent en effet subir une anesthésie générale dont les risques non négligeables ne sont pas acceptables dans le cadre d'une étude sans bénéfice direct. »
Saisis par le CNS, les pouvoirs publics ont ordonné la suspension de l'essai au motif qu'il fait courir « un risque médical sérieux ». Le Pr Dellamonica change donc de stratégie et propose de remplacer l'anesthésie générale par une péridurale, qui lui permet de réaliser des biopsies des graisses abdominales et de la face externe des cuisses. Nouvelle montée de boucliers des associations, qui jugent encore l'opération trop risquée. Le CCPPRB de Marseille vient de leur donner raison en rejetant la proposition du Pr Dellamonica au motif que l'essai ne présente toujours pas les garanties nécessaires. Cet avis a été transmis aux autorités publiques qui doivent trancher.
Au nom des malades
« Nous sommes tout à fait prêts à collaborer aux essais, indique le groupe TRT-5 , même quand il n'y a pas de bénéfice direct, mais à condition qu'il n'y ait pas de risques pour le patient. » Les associations proposent, pour leur part, de « faire un essai multicentrique prospectif, c'est-à-dire profiter du fait qu'un malade séropositif est opéré pour une raison X pour réaliser une biopsie des graisses ».
Néanmoins, un des participants à l'essai entrepris par le Pr Dellamonica, Alain Siboni, un des fondateurs de l'association AIDES en 1984, a regretté que les associations « parlent au nom des malades et ne les consultent plus ». « Totalement novatrice et effectuée dans la plus grande transparence, la recherche menée par le Pr Dellamonica ne porte pas sur un banal problème esthétique, mais sur un aspect de la maladie dont l'enjeu peut être vital, a t-il déclaré. Pendant des années, a t-il ajouté , les associations ont accusé le milieu médical d'ignorer les problèmes spécifiques des malades du SIDA, et aujourd'hui, alors que le Pr Dellamonica est un des premiers à s'en soucier, on assiste de leur part à une levée de boucliers absurde. »
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