De notre correspondant
Président de la Fondation mondiale pour la recherche et la prévention du SIDA, qui travaille sous les auspices de l'UNESCO, Luc Montagnier gardera ses fonctions actuelles, même s'il rejoint le laboratoire de virologie humaine en qualité de adjunct professor.
En fait, il s'agit moins de l'association de deux chercheurs que d'une coopération étroite entre les institutions qu'ils dirigent et qui est dictée, ont-ils affirmé sur un ton délibérément alarmant, par la gravité de la pandémie de SIDA. Ils ont donc conclu un accord, approuvé par les Nations unies, qui fait de l'Institut de virologie humaine la plate-forme de la recherche et de la Fondation de Montagnier l'extension internationale de cette plate-forme. C'est Luc Montagnier qui prendra le contrôle du développement des ressources pour le financement des laboratoires situés à Baltimore, à Rome et à Montréal ainsi qu'au Nigeria, en Côte d'Ivoire, au Cameroun et dans d'autres sites d'Afrique, d'Amérique centrale et d'Asie.
Gallo et Montagnier ont annoncé leur intention de relancer la recherche d'un vaccin anti-VIH en commençant de nouvelles études sur des cohortes plus nombreuses et en multipliant les essais cliniques, au sein d'une campagne qui aura pour nom Program for International Viral Collaboration (PIVC). En se concentrant sur le tiers-monde, le programme a pour objectif, d'une part, d'attaquer le SIDA là où il fait le plus de victimes et, d'autre part, de traduire, chaque fois que ce sera possible, les concepts scientifiques par des vaccins efficaces.
Un vaccin oral
Deux nouveaux concepts sont déjà entrés dans les faits : une unité de recherche vaccinale a mis au point un vaccin oral dont le système repose sur la Salmonelle, capable de délivrer un nombre plus élevé de gènes viraux et donc de déclencher une meilleure réponse immunitaire. Ce vaccin, s'il donne des résultats, serait approprié pour le VIH transmis au cours de rapports sexuels.
Le second vaccin prend pour cible la molécule tat que le virus utilise pour paralyser le système immunitaire. Le vaccin tat repose sur des concepts de recherche qui ont été établis par les Prs Daniel Zagury et Robert Gallo et il est développé par Aventis Pasteur.
Dans le cadre d'une autre approche, les chercheurs de l'nstitut de virologie humaine ont mis au point un candidat-vaccin qui, à ce jour, est celui qui a déclenché la plus forte réponse immunitaire et a réussi à bloquer plusieurs souches du VIH dans des expériences de laboratoire. Les essais cliniques commenceront dans deux ans.
Ce que Gallo et Montagnier souhaitent faire, c'est unifier la recherche sur le SIDA de manière qu'aucun progrès ne soit écarté du mouvement mondial pour la mise au point de vaccins anti-SIDA. C'est pourquoi les travaux supervisés par Montagnier en Afrique doivent être inclus dans le tableau général. Le Pr Montagnier et ses collaborateurs de Rome et d'Abidjan sont en train de sélectionner des peptides VIH des protéines gag, tat, et nef qui peuvent être « reconnues » par les organismes des patients africains si l'on tient compte de leurs génotypes HLA. C'est le Dr Vittorio Colizzi et son équipe de Rome qui, sous la supervision du Pr Montagnier, ont mis au point un concept de candidat-vaccin qui serait administré après l'exposition au VIH et est fondé sur des peptides VIH de synthèse. Selon Gallo et Montagnier, ce type de vaccin, qui pourrait être associé au BCG, serait le plus adapté à la transmission du VIH de la mère à l'enfant.
Enfin, le Pr Montagnier et le Dr Thibodeau de Montréal tentent de mettre au point un vaccin, fondé sur une altération de l'enveloppe protéinique du VIH et capable, chez l'animal, de neutraliser les anticorps.
Le transfert des connaissances
« En réunissant nos recherches et en développant notre partenariat, nous pouvons faire progresser plus vite tous ces concepts, déclare Luc Montagnier. Nous avons le devoir de faciliter les transferts des connaissances et de coopérer étroitement avec les scientifiques et les chercheurs des pays en développement. Le VIH est un virus qu'il est pratiquement impossible de maîtriser et nous n'avons une chance d'y parvenir que si nous mettons en commun toutes nos intelligences et tous nos efforts. »
En annonçant leur accord de coopération, Robert Gallo a reconnu publiquement que le VIH avait été identifié par Luc Montagnier et non par son équipe. De son côté, Luc Montagnier a admis que la contamination d'une culture (c'est une telle contamination qui a conduit M. Gallo à penser qu'il avait identifié le virus) est un phénomène fréquent dans la recherche. Tous deux ont déclaré qu'il fallait mettre un terme à une polémique qui, en réalité, était l'épiphénomène d'une période de recherche particulièrement active et féconde. « Maintenant, a dit Gallo, il est plus important d'aller de l'avant que de se morfondre sur le passé. Nous sommes des amis et des collaborateurs et nous essayons ensemble de trouver des solutions que le monde entier attend. »
Le Dr William Blattner, directeur de l'université du Maryland qui a accueilli l'institut de virologie humaine de Gallo, a déclaré que la première tâche consistait à trouver le premier financement (4 millions de dollars) pour le PIVC. Robert Gallo a souligné que l'uniformisation des efforts de recherche devient impérative dès lors que le SIDA a déjà fait 25 millions de morts depuis son apparition en 1981 et que l'épidémie prend des proportions catastrophiques à l'échelle planétaire. Par comparaison, a-t-il ajouté, la peste bubonique a fait moins de victimes. Et l'épidémie de peste noire a disparu d'elle-même, alors que le VIH continue d'exercer ses ravages (40 millions de personnes seraient infectées de par le monde). « C'est une maladie chronique sans traitement connu, qui, comme la grippe, ne cesse de présenter de nouvelles souches, ce qui la rend très difficile à prévenir, à comprendre et à anticiper. »
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