Au « border point » de Nepalgunj, le plus important poste frontière entre le Népal et l'Inde, l'association Nepal Sexual Transmission Disease and AIDS Research Center est à pied d'uvre depuis trois ans. Des panneaux métalliques illustrés, plantés tout le long de la piste, expliquent aux populations migrantes comment se protéger contre les MST en général et le SIDA en particulier, avec un préservatif rigolard qui shoote dans un vilain virus édenté.
Biagwati Sharma, 30 ans, est l'une des trois permanentes de l'association qui distribue toute la journée des tracts d'information rédigés en nipali (comment le SIDA se transmet, comment s'en protéger, quels gestes et quelles pratiques ne sont pas contaminantes). Depuis trois ans qu'elle interpelle ces jeunes entassés dans leurs carrioles hippomobiles qui partent travailler en Inde, elle a pu constater l'évolution dans les esprits : « Au début, se souvient-elle, trois fois sur quatre, les gens me disaient qu'ils ne savaient pas ce qu'était le SIDA et ils avaient tendance à rire quand je leur expliquais. Aujourd'hui, la proportion s'est renversée et ils sont conscients de la gravité de l'épidémie. Ils savent que, si on contracte le VIH, il n'y a aucun traitement possible. »
Officiellement, 1 940 séropositifs
Président de N'SARC (Health Education and Communication Nepal), une ONG très active, partenaire de Plan international, le Dr G. R. Shakya, 45 ans, fines lunettes dorées, cheveux poivre et sel coupés en brosse, confirme que, dans son pays, la trithérapie n'existe pas. Tout au plus peut-il prescrire de l'AZT pendant une vingtaine de semaines à une minorité de patients. L'impéritie des médecins, faute de moyens, est totale. « L'essentiel de notre travail, dans ces conditions, observe-t-il, est ciblé sur la prévention. Il nous faut expliquer sans relâche qu'on est en présence d'une grave épidémie qui nécessite une prise de conscience du public. En plus des affiches et des distributions de tracts, nous avons une "telephone helpline" qui fonctionne tous les jours de 10 à 16 heures et une salle audio-visuelle avec un film d'information projeté tous les matins, à notre siège, devant un public de 50 à 100 personnes tous les jours. »
L'épidémie est relativement nouvelle au Népal. Selon notre interlocuteur, le premier cas a été repéré en 1988. Il avait pour origine une relation sexuelle non protégée en Inde. Là-bas, l'épidémie fait des ravages (3,7 millions de séropositifs à ce jour). Parmi les principales victimes, les petites népalaises enrôlées dans les bordels (voir page 32), qui, une fois contaminées, sont renvoyées dans leur pays. Egalement touchés, les nombreux travailleurs émigrés qui sont des milliers à franchir quotidiennement la frontière indienne, le puissant voisin, avec un pouvoir d'achat supérieur de 30 % à celui du Népal, exerçant un très fort pouvoir d'attraction.
Officiellement, en juin 2001, le Népal totalisait 1 940 séropositifs (1 382 hommes et 558 femmes), 500 malades (336 hommes et 164 femmes) et 143 décès avaient été enregistrés dans le pays. Mais le Dr Shakya estime que « seulement 10 % des malades viennent consulter. La majorité d'entre eux, dans les villages, vivent leur état comme un châtiment des dieux. Notre rôle est de leur faire comprendre qu'on est en présence d'une épidémie scientifiquement connue. Mais comme nous ne disposons pas des moyens que vous avez en 0ccident pour les traitements, l'épidémie se dissémine rapidement. Actuellement, j'estime qu'on ne la contrôle pas en dépit de tous nos efforts ».
Le président de N'SARC livre, simultanément à son action contre le VIH, un autre combat, contre un ennemi surgi de la nuit des temps : la lèpre. Ici, 150 personnes sont touchées chaque année. Il est le seul médecin à les traiter, sans bénéficier d'aucune aide internationale.
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