Les résultats en matière d'immunothérapie dans le domaine du sida sont intéressants scientifiquement. Ils montrent que l'on peut agir, avec un impact sur la biologie du virus. Ils montrent aussi que l'on reste encore assez loin du « service rendu au malade » pour l'immunothérapie avec les antigènes du virus et probablement un peu moins pour l'IL-2. « Il reste à démontrer un bénéfice réel, qui permettrait au malade de rester asymptomatique à long terme », souligne le Pr Emilie.
• Immunothérapie non spécifique
En France, deux cytokines sont utilisées : l'IL2 et l'interféron alpha pégylé.
- L'IL2 est utilisée dans le but d'aider l'augmentation des CD4 en association avec le traitement antirétroviral.
Deux essais ont été terminés récemment. Leurs résultats montrent une certaine efficacité. L'essai ANRS 079 (dirigé par Yves Lévy), mené chez des patients peu évolués (plus de 350 CD4), a confirmé une remontée des CD4 sous IL2 et montré également qu'ils sont fonctionnels, avec une meilleure réponse in vivo et in vitro des populations immunitaires. Lorsque les patients ont été revaccinés contre le tétanos, la réponse est meilleure dans le groupe traité par IL2 + antirétroviraux que chez les sujets sous antirétroviraux seuls. De plus, les CD4 restent stables pendant les mois suivants, sans nécessité de nouvelles cures d'IL2 ou avec un besoin limité (une cure par an) pour les maintenir élevés.
L'essai ILSTIM (ANRS 082) a été mené chez des patients plus avancés dans la maladie (moins de 200 CD4). Il répond à la question posée : l'IL2 permet d'aider à l'augmentation des CD4 chez les patients à un stade avancé de la maladie et déjà sous trithérapie, mais cette augmentation met un peu plus de temps que chez des patients moins évolués. « Il est intéressant de pouvoir passer au-dessus de la barre des 200 CD4, ce qui permet d'interrompre la prévention des infections opportunistes », explique le Pr Emilie.
L'IL2 est prescrite en France dans le cadre d'une ATU (autorisation temporaire d'utilisation) chez des patients ayant moins de 200 CD4 malgré une trithérapie. Au niveau mondial, deux grands essais sont en cours : ESPRIT (patients peu avancés) et SILCAAT (patients avancés), pour connaître les effets de l'IL2 sur la survenue des infections opportunistes.
Une autre voie est en cours d'investigation : un traitement par IL2 pourrait permettre de retarder la mise sous trithérapie. Le choix actuel est de commencer les antirétroviraux lorsque les CD4 sont inférieurs à 350-200 CD4).
- L'autre cytokine utilisée en France est l'interféron alpha pégylé. L'essai ANRS 086 (Primoféron), coordonné par les Pr P. Galanaud (Antoine-Béclère) et D. Séréni (Saint-Louis), a pour but d'évaluer l'effet de la cytokine sur la stimulation des défenses immunitaires anti-VIH du patient. L'interféron alpha pégylé a été donné au stade de la primo-infection, en association avec la trithérapie. Un effet est observé, sous la forme d'une absence du rebond virologique habituellement observé, avec une virémie contenue à moins de 140 copies ARN-VIH/ml après quatre semaines sans antirétroviraux. Et un certain nombre de patients restent à un niveau indétectable pendant plusieurs mois (moins de 20 copies/ml), en l'absence de tout traitement.
• Immunothérapie spécifique (ou vaccin thérapeutique)
Elle a pour principe d'immuniser contre l'antigène du VIH un patient déjà sous trithérapie, avec une charge virale indétectable, pour stimuler ses défenses immunitaires contre le VIH. Les « vaccins » sont élaborés à l'aide de canarypox, virus non pathogène, dans lequel ont été introduits des gènes du VIH. Il s'ensuit une réponse lymphocytaires T contre les antigènes du VIH (ce que l'on veut obtenir). Dans d'autres types d'essais, on utilise les lipopeptides et parfois les deux associés.
Les résultats sont concordants. Les essais VACCITER (groupe de Catherine Katlama à la Pitié) et ANRS 092 VACCIL-2 (Yves Lévy, Henri-Mondor) ont clairement révélé que l'on peut induire une réponse immunitaire anti-VIH. VACCIL-2 a montré que les patients vaccinés par Canaripox + lipopeptides ont un rebond viral plus lent à l'arrêt de la trithérapie, comparativement à ceux qui n'ont pas été vaccinés.
On peut réduire la vitesse et l'intensité du rebond viral, qui est habituellement massif lorsqu'on interrompt une trithérapie. Il faut souligner que l'effet de la vaccination reste toutefois modéré, même s'il est statistiquement vrai, car ce rebond virologique persiste. A fortiori, le bénéfice à moyen ou long terme pour le patient n'est pas établi.
Article rédigé avec le Pr Dominique Emilie à l'occasion d'une journée de réflexion sur l'immunothérapie et les interruptions thérapeutiques, organisée à la DGS par TRT-5, collectif de huit associations françaises de lutte contre le sida.
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