« Depuis que je suis au gouvernement, c'est la première fois que j'ai l'occasion de venir saluer le travail d'une grande association de lutte contre le sida », a déclaré Jean-François Mattei lors des XVes Assises de AIDES. Le ministre de la Santé a déclaré que c'était, pour lui, l'occasion de s'exprimer sur un sujet qui lui tient particulièrement à cur et sur lequel il a beaucoup travaillé comme délégué du maire de Marseille, chargé de la lutte contre le sida et la toxicomanie, de 1995 à 2001.
« Le sida a transformé la médecine et il a aussi transformé notre société », a-t-il ajouté, en évoquant le rôle essentiel des associations : « C'est bien votre capacité d'alerte, d'innovation et parfois d'indignation qui a permis ces changements profonds. » Au moment où se met en place un plan de lutte contre une autre pathologie grave et invalidante, le cancer, il assure que le sida s'impose comme modèle. « Ce que nous avons tous ensemble réussi à faire pour lutter contre le sida, nous devons pouvoir le faire pour lutter contre d'autres maladies, et pour d'autres malades. »
Ces XVes Assises de l'association AIDES ont permis de faire le bilan du chemin parcouru. Certes, beaucoup a déjà été fait, mais, a assuré Christian Saout, son président, « il nous apparaît que notre pays reste encore bien trop timoré en matière d'action contre le sida, surtout si l'on se réfère au bilan de toutes les solutions que les militants engagés à AIDES ont apportées pour une lutte contre le sida plus pertinente. » Les personnes vivant avec le sida bénéficient en France, quand elles peuvent y accéder, d'une bonne prise en charge thérapeutique. « Mais on meurt toujours du sida », a-t-il rappelé. Certains problèmes persistent : 30 % des personnes vivant avec le VIH et fréquentant AIDES sont sans couverture complémentaire de santé ; les femmes séropositives doivent faire face à des difficultés sociales, à l'exclusion et au manque d'information du personnel de santé sur les particularités de l'infection à VIH chez la femme ; l'inquiétude persiste sur l'aide médicale urgente (AME) pour les étrangers malades ; les personnes vivant avec le VIH ont toujours autant de mal à s'assurer, en dépit du mécanisme conventionnel mis en place en 2001.
Pour ce qui est de la prévention, Christian Saout s'est ému de la récente inculpation de Jean-Marc Priez, ancien président de Techno+. Il risque cinq ans d'emprisonnement pour avoir diffusé des documents de réduction des risques liés à l'usage des produits stupéfiants. « Si tous les acteurs de santé publique doivent suivre le même sort, il va y avoir du monde dans les prisons », a-t-il prévenu.
Une priorité forte
Répondant à quelques-unes des inquiétudes exprimées par le président d'AIDES, le ministre a affirmé que le sida reste encore aujourd'hui une priorité forte : « Cette année, j'ai tenu à ce que, malgré le contexte économique difficile, le budget consacré à la lutte contre le VIH (64 millions d'euros) par la direction générale de la Santé soit reconduit en totalité. » Les crédits ont été versés dès la mi-février 2003. La politique de prévention devrait être amplifiée et les acquis en ce qui concerne la solidarité, préservés. Concernant les usagers de drogue, il note que la politique de réduction des risques est un succès, avec une prévalence diminuée de moitié entre 1998 et 2002 (de 40 à 20 %). « J'examine en ce moment même les possibilités de renforcer par voie législative le dispositif de réduction des risques de façon à le sécuriser et à le consolider », a-t-il tenu à préciser, ce qui devrait répondre à l'attente des associations.
La politique européenne et le contexte international de lutte contre l'épidémie ont également été évoqués. Selon Christian Saout qui, à la demande du ministre, devrait devenir membre du Conseil national du sida (CNS), il est urgent de « dégager une politique commune de lutte contre l'épidémie » au sein de l'Union européenne . Comme il est essentiel de « faire vivre une approche Nord-Sud », afin qu' « émergent des réponses Sud-Sud ».
Le ministre, pour sa part, a rappelé l'engagement pris par la France lors du G8 d'Evian de tripler sa contribution au Fonds. Il présidera la prochaine conférence des donateurs du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme qui aura lieu le 16 juillet et qui sera destinée à renforcer les ressources du Fonds.
Enfin, il s'est félicité des dix conventions de partenariat qui ont déjà été signées dans le cadre du programme Esther, depuis sa prise de fonction de ministre. De même, « je tiens à saluer l'engagement de l'ANRS dans le développement d'un partenariat de recherche avec les pays en voie de développement. C'est aussi une des raisons pour laquelle je mes suis engagé avec toute ma conviction pour que le GIP ANRS soit renouvelé pour une période de six ans ».
La promesse que l'UE ne fera pas
Les dirigeants de l'Union européenne réunis à Porto Carras (près de Salonique, en Grèce) ont renoncé à promettre un milliard d'euros par an de contribution au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
La proposition avait été lancée par Jacques Chirac, lors du sommet du G8, en réponse à l'initiative américaine de débloquer 15 milliards de dollars sur 5 ans pour la lutte contre le sida, dont 1 milliard par an pour le Fonds. La France était appuyée par la Grande-Bretagne, mais l'Allemagne et les Pays-bas n'étaient pas favorables à cet engagement. Le texte final ne mentionne qu'une « contribution élevée au financement du Fonds », sans préciser de montant. Il devrait être déterminé lors de la conférence des donateurs et des partenaires du Fonds prévue à Paris le 16 juillet.
Les associations, réunies au sein du Collectif sida urgences G8, ont qualifié la décision de « dramatique » et de « désastreuse ». « Une fois de plus, Jacques Chirac et les chefs d'Etat européens préfèrent sacrifier des principes fondamentaux plutôt que de mettre la main à la poche et sauver des vies », a commenté Dominique Audouze, du Planning familial.
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