« C 'EST la première fois en vingt ans que l'assemblée générale de l'ONU s'occupe de ce problème (celui du SIDA NDLR) . Le fait qu'elle se soit mise d'accord sur un document qui fixe de vraies cibles pour la prévention, le financement et pour l'accès aux médicaments essentiels est un tournant ». Le Conseil international des organisations de service sur le SIDA (ICASO) résume sans doute le sentiment qui prévaut à l'issue de la session extraordinaire de l'assemblée générale de l'ONU, où les délégués de quelque 160 pays ont adopté un plan de lutte mondial contre le SIDA. Ce plan est inscrit dans un texte, intitulé « Déclaration d'engagement sur le VIH/SIDA : à crise mondiale, action mondiale ».
Bien qu'il n'ait pas de caractère contraignant pour les Etats, ce texte invite les 189 pays membres de l'ONU à intensifier leur lutte contre la pandémie qui a déjà fait 22 millions de morts dans le monde. Les Etats membres se sont ainsi fixé 15 objectifs, assortis d'un calendrier en matière de prévention, de soins et traitements, de droits de l'homme et de non-discrimination.
Une première
Etant donné le contexte très dur dans lequel se sont déroulées les négociations pour aboutir à un texte consensuel - consensuel en dépit du fossé culturel entre les pays occidentaux et une coalition de pays catholiques et musulmans -, beaucoup font de la réunion de New York une avancée essentielle dans la lutte mondiale contre le SIDA. L'UNICEF parle d'une initiative « intéressante », car, « pour la première fois, la communauté internationale dit qu'il faut intervenir dans tous les domaines à la fois (prévention, accès aux traitements, recherche, protection des personnes vulnérables, etc.) ». « Evénement important », la déclaration de New York a le mérite de « poser la question des femmes et d'insister sur l'attention dont elles doivent faire l'objet », note le président de l'association AIDES, Christian Saout. Selon lui, la session de New York marque « un premier pas considérable ». Bien que le groupe des pays musulmans de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) ait réussi à faire empêcher toute mention dans la déclaration des homosexuels, drogués, prostitués et migrants, les Occidentaux estiment avoir adopté « un texte fort et progressiste ».
Il reste que l'initiative des Etats membres de l'ONU demeure, pour le moment, une déclaration d'intention. Elle devra être suivie d'actes concrets pour satisfaire plusieurs organisations non gouvernementales qui ont réagi avec prudence à la suite de l'adoption d'un texte. C'est le cas de Médecins sans Frontières (MSF) pour qui, « sans soutien financier international, cette déclaration se résumera à des mots creux ». Selon MSF, « pour que les pays en développement traitent le plus grand nombre de séropositifs, davantage doit être fait pour s'assurer qu'ils puissent acheter des médicaments et des technologies aux prix les plus bas ».
De 7 à 10 milliards par an
Médecins du Monde (MDM), de son côté, souligne que « le projet de déclaration ne met pas assez l'accent sur le lien entre la prévention et les traitements. Il n'insiste pas suffisamment sur les soins thérapeutiques, en particulier l'accès aux traitements antirétroviraux ». Seulement, une demi-douzaine d'Etats et une poignée de fondations et d'entreprises privées ont déjà promis de verser un total de 645 millions de dollars au fonds mondial contre le SIDA, lancé par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan.
En matière de ressources, le texte adopté à New York demande que d'ici à 2005 les dépenses annuelles mondiales en matière de lutte contre le VIH/SIDA atteignent sept à dix milliards de dollars. Il insiste également sur la protection des « personnes vulnérables ». Le texte invite les Etats à garantir la protection des veuves et orphelins du SIDA contre les saisies de propriété et pertes d'héritage qui précipitent ces groupes dans la misère. Il appelle aussi à un effort renouvelé dans le domaine de la recherche pour la mise au point de traitements et de vaccins.
Bernard Lama, ambassadeur de l'UNICEF en Ouganda
Il dit qu'il est « citoyen du monde » et qu'il a, à ce titre, un devoir : celui « d'aller voir ce qui ne va pas et de témoigner ». Bernard Lama, champion du monde avec l'équipe de France de football, longtemps gardien de but du PSG, vient d'effectuer sa première mission avec l'UNICEF en Ouganda. Ce pays où le SIDA a déjà entraîné la mort de 1,9 million de personnes et laissé orphelins quelque 1,7 million d'enfants, est le seul pays africain à avoir inversé le cours d'une épidémie majeure. Les extraordinaires efforts de mobilisation nationale ont rabaissé la prévalence du VIH chez l'adulte de 14 % en 1990 à 8 % aujourd'hui. Entre 1990 et 1998, le taux d'infection des adolescentes entre 15 et 19 ans est passé de 20 à 5 %.
Néanmoins, en allant au devant des enfants et des jeunes infectés par le VIH, Bernard Lama a eu « un choc ». « C'était mon premier contact direct avec cette maladie, raconte t-il. J'ai vu beaucoup d'orphelins. Certains avaient l'âge de mon fils. Je me souviens de trois enfants. L'aîné, à 14 ans, affichait une maturité exceptionnelle ». Bernard Lama a rendu visite à des « familles d'enfants ». Les parents sont morts du SIDA. Quand ils ont de la chance, les enfants héritent de la maison familiale où ils vivent, livrés à eux-mêmes, sous l'autorité plus ou moins affirmée du plus âgé. Le problème, c'est qu'ils sont souvent dépossédés par la famille.
En Ouganda, l'UNICEF a développé notamment des programmes de prévention de la transmission du VIH/SIDA de la mère à l'enfant en milieu hospitalier, des programmes d'accompagnement et de prise en charge psychosociale au sein de sites spécifiquement dédiés à l'accueil des enfants infectés ou malades. « Des enfants m'ont dit qu'ils voulaient devenir médecins ou avocats. Ils reçoivent une information sur la maladie et sur leurs droits (succession, héritage), explique Bernard Lama. A leur tour, ils veulent soigner et aider. »
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