Le Généraliste. Paris n’est pas épargné par la baisse du nombre de généralistes et la problématique des déserts médicaux. Comment remédiez-vous à cette situation ?
Dr Bernard Jomier. Nous sommes particulièrement concernés par la chute du nombre de généralistes : nous sommes le département qui en a le plus perdu ces cinq dernières années. La situation est très inégale avec certains quartiers très en dessous de la moyenne nationale. Paris n’est pas un désert médical, mais est en train de devenir un désert pour les soins de proximité et c’est grave à l’heure où se développent les prises en charge liées aux pathologies chroniques, à la perte d’autonomie, à l’âge…
Nous avons présenté, avec la Maire de Paris, un plan reposant sur trois piliers : les centres de santé, les maisons et pôles de santé et les médecins libéraux. Pour ces derniers, nous avons mis en place le dispositif Paris Méd’ : en échange d’un engagement à exercer en secteur 1 et en équipe d’au moins trois professionnels, dont un généraliste, nous louons des locaux aux tarifs des bailleurs sociaux, soit 400 à 500 euros de loyer mensuel par professionnel. D’ici à la fin de l’année, on aura installé plusieurs dizaines de professionnels de santé dans ce cadre. Et plus encore chaque année de mandature. J’ai obtenu du Conseil de Paris un budget de plusieurs millions d’euros.
Ce plan sera-t-il suffisant pour inciter les jeunes médecins à venir ?
Dr B.J. Nous n’avons pas la capacité de donner envie aux jeunes de venir s’installer, mais nous pouvons regarder quels sont les freins qui nous concernent en tant que collectivité territoriale dont celui, majeur, qui est le coût du foncier. En venant s’installer à Paris, un jeune généraliste fait face, alors que la valeur de ses actes est la même sur tout le territoire, à des coûts et des charges qui sont bien plus élevés. Certaines situations particulières sont prises en compte, comme dans les DOM-TOM où la valeur des actes est différente de celle de la métropole pour des raisons liées au coût de la vie. Je fais donc appel aux partenaires qui sont en train de négocier la convention. Si on veut lutter ensemble contre la disparition des soins de proximité, il faut aussi qu’ils travaillent aussi à des réponses dans ce domaine. Pourquoi ne pas créer des valeurs de lettres-clés différentes. Ou moduler le forfait unique proposé par l’Assurance Maladie en fonction du lieu d’exercice.
Vous avez lancé un plan SIDA dont l’objectif est de mettre fin à la transmission du VIH en 2030 à Paris. N’est-ce pas un peu trop ambitieux ?
Dr B.J. Lors de notre prise de fonction en 2014, nous avons trouvé la situation d’une épidémie qui stagnait, les derniers chiffres montrant même une reprise à Paris. Selon des modèles épidémiologiques, si on atteint ces « 3x90 » (90 % des séropositifs diagnostiqués, 90 % traités et 90 % avec une charge virale contrôlée), en quelques années le réservoir de virus va diminuer et l’épidémie s’éteindra. L’objectif général n’est pas du tout utopique : à Paris, nous sommes aux 2e et 3e « 90 ». Le problème, c’est le
1er « 90 », on est entre 80 et 85 % parce qu’on ne dépiste pas assez et trop tardivement. Il fallait donc mettre en place une stratégie pour atteindre ces « 3-90 ». Nous avons fait appel à l’épidémiologiste France Lert pour réunir l’ensemble des acteurs concernés par le VIH et produire un rapport. Il nous a été remis en février et nous l’appliquerons dans son intégralité : à cette condition, nous éradiquerons l’épidémie. Plus de 200 villes du monde ont signé la « Déclaration de Paris » s’engageant à atteindre ces « 3x90 » d’ici 2020 et la région Ile-de-France vient de rejoindre la dynamique qu’elle porte.
En quoi consistent les « Assises parisiennes de la santé » ?
Dr B.J. Avec ces Assises, nous avons la volonté de mettre la santé au premier rang des politiques publiques et d’arrêter d'en faire la variable d’ajustement des politiques publiques. Il nous a paru utile, avec la Maire de Paris, d’ouvrir le débat sur la santé avec l’ensemble des Parisiens qui, quand on les interroge, nous disent leurs préoccupations en matière d’accès aux soins, de qualité de l’air, d’alimentation, d’activité physique… Ils ont intégré le fait que la santé n’est pas que le soin. Nous avons lancé ces Assises associant les Parisiens, les associations d’usagers, mais aussi les acteurs de santé. Les représentants des professionnels sont les bienvenus. J’appelle les responsables syndicaux à participer à cette concertation et à donner leur avis, à proposer leurs recommandations. Toutes les contributions nourriront un contrat local de santé qui, pour la première fois, sera établi entre Paris et l’ARS à l’issue du processus des Assises.
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