Le goût des Français pour le bas de laine a toujours été un sujet d'amusement pour les économistes étrangers.
Il n'existe pas un notaire en France qui ne puisse vous citer plusieurs cas de défunts ayant laissé, dans un coin retiré de leur logement, des pécules dont le montant est élevé.
Cet argent n'est pas obligatoirement issu de revenus non déclarés ; il est simplement thésaurisé par peur de la mainmise du fisc ou des banques.
A compter du 1er janvier 2002, ces espèces devront être converties en euros ou dépensées, si cela n'a pas été déjà fait. On peut aussi les placer ; mais, quelle que soit la solution retenue, la loi limite les formules qui permettent aux détenteurs d'espèces de les placer de manière anonyme.
La loi du 12 juillet 1990, relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux qui proviennent du commerce des stupéfiants, oblige les banques à s'assurer de l'identité de tout client occasionnel qui leur demande d'effectuer une opération portant sur une somme supérieure à 50 000 F soit 8 000 euros. Les établissements doivent déclarer les opérations auprès d'un organisme placé sous l'autorité du ministre de l'Economie quand l'identité fournie semble douteuse. Enfin, quand l'opération porte sur un montant supérieur à un million de francs, soit 150 000 euros, la banque est tenue de se renseigner sur l'origine et la destination des fonds.
Une définition large
Le code monétaire et financier donne à l'expression « organisme financier » utilisée dans les différents textes une définition très large qui dépasse nettement la notion traditionnelle.
Sont effectivement englobés dans ce terme non seulement les banques mais aussi les établissements de crédit, les mutuelles, les assureurs, les personnes intervenant dans des opérations immobilières, les antiquités, les œuvres d'art ou les pierres et métaux précieux, et même les responsables de casinos.
En un mot, aucune opération financière ou commerciale ou de conversion franc/euro portant sur plus de 50 000 F ne peut ou ne pourra être effectuée de façon anonyme. En dessous de cette somme, et seulement à compter du 1er janvier 2002, il sera possible de faire le tour des agences bancaires en demandant la conversion de sommes inférieures à 50 000 F. Mais attention, une banque dont vous ne seriez pas le client habituel pourra refuser d'effectuer cette conversion ou vous demander d'acquitter une commission importante.
A partir du 17 février 2002 et jusqu'au 17 février 2012, il restera la solution des demandes de conversion des billets auprès de la Banque de France (seulement jusqu'en 2005 pour les pièces) mais toujours dans la limite de 8 000 euros si une conversion sous une forme anonyme est souhaitée. Ce peut donc être long.
La loi est aussi stricte en matière de paiements en espèces. Elle interdit à un commerçant de recevoir en paiement d'un achat, plus de 20 000 F en espèces d'un particulier, et plus de 5 000 F d'un autre commerçant. Et même s'il était possible de détourner les textes, rien ne prouve que l'administration fiscale n'en serait tout de même pas informée ; car la loi lui donne des pouvoirs d'investigation étendus.
Le regard du fisc
Le fisc détient un droit de communication, c'est-à-dire qu'il a le droit de demander à un tiers des renseignements sur un contribuable. Ce droit porte sur les comptes clients et documents de service des banques nationalisées ou privées mais aussi sur toutes les opérations effectuées par un organisme financier.
Pour base d'application, on se sert de la définition donnée par le Code monétaire et financier. Ce droit de communication englobera à compter du 1er janvier 2002 toutes les opérations de conversion portant sur des sommes supérieures à 8 000 euros ou 50 000 F.
S'il prend connaissance de ces opérations, le fisc ne taxera pas immédiatement le donneur d'ordre. L'envoi d'une demande de justifications suppose en effet que l'administration ait « réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ».
Pour étayer ses soupçons, le fisc a généralement recours à deux méthodes : l'examen des versements bancaires effectués par le contribuable au cours d'une année et l'élaboration d'une balance de trésorerie.
En fait, c'est la découverte de versements bancaires hors de proportion avec les revenus déclarés qui est la cause principale de nombreux contrôles fiscaux.
La règle du double
Pour déterminer la nécessité ou non d'une demande de justifications, l'administration utilise la « règle du double » dont le bien-fondé est régulièrement réaffirmé par les juges. Selon cette règle, un ratio de 1,91 à 1,94 entre revenus bruts et montants portés au crédit de comptes bancaires suffit à une demande de justifications de ressources. Toutefois, les juges du Conseil d'Etat ont précisé qu'il doit être fait abstraction, dans l'application de cette règle, des versements bancaires dont l'administration fiscale « est en mesure de déceler l'origine professionnelle ».
Concrètement, cela signifie que le fisc pourra demander à un contribuable de justifier l'origine des billets dont il a demandé la conversion en euros dès lors que la valeur de ces billets est d'un montant au moins égal au total des revenus déclarés par lui au titre d'une année donnée.
Il est alors possible au contribuable d'affirmer qu'il a économisé en espèces tous ses revenus de l'année. L'administration fiscale pourra alors vérifier ses dires en procédant à une comparaison des ressources déclarées par ce contribuable et de ses dépenses. En cas de disproportion marquée entre les disponibilités employées et les revenus déclarés, une justification plus convaincante devra être trouvée pour éviter une taxation d'office.
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