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LE (LA) PARTENAIRE idéal(e) ? Celui (celle) qui nous aura scotchés sans y toucher par la seule puissance de ses phéromones, à condition qu'il ait quelques traits physiques communs (qui se ressemble s'assemble n'est plus un adage populaire mais une donnée scientifique), un physique plutôt symétrique (signe de bonne santé et de puissance, surtout chez les hommes), des caractéristiques HLA éloignées des nôtres pour l'indispensable brassage génétique et la survie de l'espèce (notre sens olfactif sait les repérer). « Le grand but biologique de notre vie est la reproduction. Le cerveau est fait pour trouver de la complicité avec un autre, et les messages sont multiples pour y arriver. Non seulement le coup de foudre existe, mais il est programmé dans nos cerveaux et il enclenche une série de modifications neuronales qui bousculent nos comportements ultérieurs et qui forment l'amour », explique Lucy Vincent, docteur en neurosciences. Si notre organe voméronasal vestigial nous a par chance conduit par le bout du nez vers le (la) candidat(e) idéal(e), une explosion d'ocytocine et de quelques autres neurotransmetteurs nous inonde le cerveau et nous voilà bêtifiant ( « C'est la plus belle, c'est le plus beau »), épanoui(e), détendu(e), attaché(e) émotionnellement (l'ocytocine) et physiquement (toujours l'ocytocine à la faveur des rapports sexuels), bientôt dépendant(e), voire en pleine addiction à notre amoureux(se) (endorphines et dopamine).
Ils (elles) ne pensent qu'à ça.
Bref, pas le moment d'essayer de passer le bac ou l'agrégation... Baignant dans les endorphines (la potion magique de nos contes et légendes), les amoureux voient la vie en rose et leur vision du monde en est bouleversée.
« Plusieurs zones du cerveau de l'amoureux sont comme labourées(...)
Des chercheurs italiens sont parvenus à démontrer que le comportement amoureux chez l'être humain reposait sur les mêmes bases neurobiologiques que le comportement d'attachement chez le campagnol »,explique notre entomologiste de l'état amoureux. Oui mais voilà, les amoureux ne le savent pas toujours mais ils sont en sursis : le nirvana animal durera de 18 à 36 mois au mieux s'ils savent jouer les prolongations.
« L'émission de dopamine et d'endorphines étant en partie liée à la nouveauté, on observe, après un certain nombre de rencontres, un tassement de l'effet », écrit Lucy Vincent. Et voilà arrivé le temps de la désillusion. A moins que des influences cognitives positives n'annulent pas ce premier effet des phéromones. On peut aussi compter sur l'ocytocine qui, sécrétée lors des rapports sexuels, limite l'installation de cette tolérance. Encore faut-il que ces relations sexuelles soient réussies pour que cette prêtresse de l'attachement et du lien daigne pointer son nez ! Nous voilà donc réduits à faire travailler nos méninges pour pérenniser ce lien amoureux que notre instinct animal nous a imposé.
Nous ne sommes pas des bêtes.
Donc, passée la période bénie (il paraît que les chercheurs cyniques l'apparentent au temps nécessaire pour mettre au monde un enfant et l'élever), pour durer, les rapports doivent se transformer. C'est là que notre désir et notre volonté s'en mêlent. Préambule indispensable à la réalisation de cet objectif : un réel souhait de vivre à deux et une idée du couple idéal. C'est ce que Lucy Vincent appelle l'effet Michel-Ange. Comme ce sculpteur qui voyait déjà dans un morceau de marbre non taillé sa forme sculptée, les partenaires ont, semble-t-il, en tête une image préconçue de leur partenaire et de leur couple idéal dès le début de leur relation. En stimulant les qualités de l'autre par une attitude positive, on finit par le créer à son image idéale. La réussite durable en amour est donc largement affaire de conscience conjugale et d'obstination laborieuse. « L'amour est donc bel et bien une spécificité humaine, d'autant que, pour le réussir, on est obligé de continuellement aborder et régler des situations potentiellement conflictuelles par un autre atout humain : le dialogue. ».
L'amour charnel, dont la spontanéité est éphémère, serait donc un amour « animal » en ce sens qu'il ne requiert ni réflexion, ni culture, juste une explosion d'ocytocine. Le lien d'amour durable, où le sacrifice pour quelqu'un d'autre devient concevable, relève, lui, du langage, de la culture, de l'imaginaire. Il est donc spécifiquement humain. Ce qui ne l'empêche pas d'être géré aussi, comme les autres besoins, par les circuits de récompense dans le cerveau par le biais du plaisir. A chaque période ses hormones et ses neurotransmetteurs...
La jouissance passe par le désir.
« Qu'importe au fond aux amoureux de savoir si c'est leur cœur qui bat à l'unisson ou les neurones de leur cortex frontal qui s'emballent follement (...) Les mécanismes neurobiologiques montrent que l'amour romantique est bâti sur les mêmes bases que l'amour entre un enfant et un parent et il semble bien que l'amour maternel fournisse un modèle de fonctionnement à deux qui sera notre préférence pour toute la vie », conclut Lucy Vincent, conciliant habilement les données de la psychologie et celles des neurosciences.
Revenons donc à la psychologie : « L'homme n'est pas une bête et sa sexualité ne peut se réduire à l'instinct qui l'anime. C'est précisément dans notre capacité à assumer, transformer, dépasser cette animalité réductible en nous que résident notre liberté et notre dignité d'êtres humains », écrit Catherine Blanc, psychothérapeute et sexologue, dans « la Sexualité des femmes n'est pas celle des magazines ». Son propos, développé autour d'histoires de quelques femmes venues la consulter pour comprendre leurs difficultés sexuelles et amoureuses, est limpide sans être simpliste. La sexualité des magazines nous propose une sexualité de la jouissance et non du désir ; pourtant, l'orgasme, le plus haut point du plaisir, n'est possible qu'après avoir vaincu l'indifférence, la peur, la répulsion, la douleur, la peine, l'ennui, explique t-elle. Il ne suffit pas d'actionner un mécanisme. Bref, assurer sa production en ocytocine et autres neuromédiateurs impose parfois d'y réfléchir à deux fois. Les parcours d'Emma, Charlotte, Lucie, Chantal et d'autres proposés par Catherine Blanc le soulignent : « En matière de sexualité, il n'est point de remède miracle, de recette toute faite ni même de conseil à suivre. Ce qui profite à l'une ne profite pas forcément à l'autre ; l'amant peut être pour l'une et pas pour l'autre. » Ouf ! Entre les diktats de notre société consumériste, la pression des phéromones et les séquelles de notre enfance, il nous reste donc un espace de liberté. A saisir.
« Comment devient-on amoureux ? », Lucy Vincent, Editions Odile Jacob, 187 pages, 21,50 euros.
« La Sexualité des femmes n'est pas celle des magazines », Catherine Blanc, Editions de La Martinière, 248 pages, 17 euros.
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