FAUT-IL VACCINER les nourrissons contre la varicelle ? La question se pose avec d'autant plus d'acuité qu'un vaccin associant quatre valences, varicelle, rougeole, rubéole et oreillons, devrait bientôt disposer d'une autorisation de mise sur le marché en France. Plusieurs pays, parmi lesquels les États-Unis, ont déjà introduit cette vaccination dans leur calendrier vaccinal. Cependant, la réponse n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît.
Le « BEH » de cette semaine (n° 8/2005) propose une réflexion sur la difficulté de la décision vaccinale, en s'appuyant notamment sur une description de l'évolution épidémiologique de la maladie pendant quinze ans (voir ci-dessous).
Celle-ci indique que, malgré un risque très faible de complications sévères, la très grande fréquence de la maladie (plus de 700 000 cas par an, en moyenne) conduit, chaque année, à plus de 1 000 hospitalisations pour des complications sévères et à une vingtaine de décès.
Réduction de 80 % des hospitalisations et des décès.
L'expérience américaine apporte des arguments en faveur de la vaccination des nourrissons. Intégrée dans le calendrier vaccinal en 1995, avec un rattrapage à l'adolescence, elle a permis une réduction d'environ 80 % des hospitalisations et des décès liés à la maladie. De plus, cette expérience permet de conclure à un bon profil de tolérance de la vaccination (essais cliniques et surveillance post-AMM).
Toutefois doivent être considérées les conséquences négatives associées à la diminution de la circulation du virus. « Leur nature et leur intensité dépendront essentiellement de la couverture vaccinale atteinte, mais aussi de l'efficacité du vaccin et de la durée de protection induite », note Daniel Lévy-Bruhl (Institut de veille sanitaire) dans son éditorial.
Le cas de la rougeole est à ce titre exemplaire. Une couverture vaccinale moyenne induirait une augmentation de l'âge moyen de survenue de l'affection. La circulation virale étant réduite, la probabilité de contamination dans l'enfance des sujets non immuns est faible. Or les données le confirment, les complications sont plus fréquentes chez l'adulte. De même, le risque pour une femme enceinte d'être atteinte induirait une augmentation des cas de varicelle congénitale et néonatale.
Des travaux de modélisation canadiens et anglais ont déjà montré que, avec une couverture vaccinale comprise entre 40 et 70 %, le bénéfice de la vaccination est très faible, voire nul, en termes de morbidité sévère ou de mortalité.
Cependant, une couverture vaccinale élevée n'est pas sans risque. Les données disponibles suggèrent que les contacts à l'âge adulte avec des sujets atteints de varicelle, en relançant l'immunité spécifique, protègent du zona. En cas de vaccination généralisée étendue, l'incidence du zona augmenterait pendant plusieurs décennies, le temps que les cohortes d'adultes infectés dans l'enfance soient remplacées par des cohortes d'adultes vaccinés.
Les bénéfices et les risques doivent donc être évalués soigneusement. Afin « d'éclairer les experts ainsi que les décideurs, l'Institut de veille sanitaire (InVS) a entrepris un travail de modélisation de l'impact qu'aurait en France la vaccination des nourrissons sur l'épidémiologie de la varicelle et du zona. En outre, une enquête auprès d'un échantillon de médecins, généralistes et pédiatres, est en cours. Elle porte sur leur attitude à l'égard d'une vaccination contre la varicelle, afin d'anticiper le niveau de couverture qui serait obtenu », annonce Daniel Lévy-Bruhl.
Une alternative.
Quels que soient les résultats de ces études, il importera de veiller qu'un bon niveau de couverture soit atteint. « Étant donné le caractère bénin de la maladie chez l'enfant, il n'est pas certain que la demande de ce vaccin permette d'atteindre en France une couverture vaccinale dépassant les 70 % », souligne l'éditorialiste.
La vaccination des adolescents immuns pourrait constituer une alternative au vaccin généralisé chez le nourrisson. Si une telle stratégie « n'évite pas les varicelles survenant dans l'enfance, elle permet d'éviter l'essentiel des formes les plus sévères de la maladie, sans risque de conséquences négatives liées à la diminution de la circulation virale », conclut-il.
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