Chronique électorale
Deux sondages (IFOP et SOFRES) réalisés après l'annonce de la candidature du Premier ministre à la présidence donnent Lionel Jospin gagnant au second tour avec 51 % des voix.
On est encore loin de la date du scrutin réel et il ne faut pas faire tout un plat de ces sondages. Ils montrent quand même que M. Jospin a bien fait de précipiter son annonce, après celle du président en exercice : la cote de M. Chirac avait subitement grimpé et les enquêtes de la SOFRES et de l'IFOP indiquent que le chef du gouvernement a largement regagné le terrain perdu.
Ce qui se passe au premier tour, selon les intentions de vote, est le plus intéressant. Les pourcentages des candidats du deuxième rang se tassent légèrement au profit de M. Jospin : c'est vrai notamment de Jean-Pierre Chevènement, qui passe d'un maximum de 14 % il y a quinze jours à un minimum de 1O % aujourd'hui (12 % selon l'IFOP).
Mais les deux principaux candidats ne progressent guère. Selon la SOFRES, M. Chirac est stable à 24 % contre 22 % à M. Jospin (23 % Chirac, 22 % Jospin, selon l'IFOP). Comme par ailleurs Arlette Laguiller semble se maintenir à 8 % (son meilleur score en trente ans) et que Jean-Marie Le Pen se maintient autour de 10-11 %, on aurait tendance à penser que les électeurs chevènementistes du premier tour voteront à gauche au second tour et non à droite.
Cet état des lieux vaut ce qu'il vaut et changera encore. Mais il montre que M. Chirac est menacé et qu'il ne caracole plus en tête. C'est la deuxième fois : sa cote s'était déjà effritée avant l'annonce de sa candidature, puis il est remonté, puis il a baissé avec l'annonce de M. Jospin. Les deux candidats sont au moins ex-aequo.
Ce qui explique la sérénité du camp socialiste, très « force tranquille », et la fièvre qui s'empare des chiraquiens. Ils n'ont plus aucune tolérance pour les dissidences, les états d'âme et les nuances. A leur inquiétude, s'ajoute la fureur que leur inspirent la candidature de François Bayrou et son arrivée inattendue au congrès de l'UEM, dont il a gâché l'espoir : les médias n'ont retenu que son intervention courageuse lors de cette grand-messe organisée pour sacrer Chirac.
Car tout le monde sait dans le monde politique que le président ne sera pas réélu s'il ne franchit pas la barre des 25 % au premier tour. D'où l'appel des 109 UDF et DL pour voter Chirac au premier tour. Philippe Douste-Blazy et Jean-François Mattei, centristes convaincus et néanmoins hostiles aux candidatures de François Bayrou et d'Alain Madelin, ont compris que les faibles scores obtenus par ces deux candidats dans les sondages risquent d'être mortels (politiquement) pour le président. En d'autres termes, M. Chirac ne peut absolument pas se permettre de négliger les quelque 4 à 6 points de pourcentage que les deux hommes peuvent totaliser et qui lui accorderaient une avance plus confortable par rapport à M. Jospin au premier tour de scrutin. C'est la raison pour laquelle des pressions énormes sont exercées, surtout sur M. Bayrou, pour qu'ils renoncent à leur candidature.
Si l'on s'en tient au tableau actuel, on pourrait dire qu'il manque à M. Chirac une forte majorité relative au premier tour ; à l'inverse, si M. Jospin l'emporte au second, il aura beaucoup de mal à former une majorité parlementaire. La droite est divisée sur la tactique, la gauche l'est sur le fond. MM. Hue, Mamère, Chevènement, Mme Laguiller ne ménagent pas plus le candidat socialiste que M. Chirac. M. Mamère a déjà dit que les Verts ne participeraient pas à un gouvernement de gauche qui n'annoncerait pas un démantèlement de nos centrales nucléaires (qui produisent 75 % de notre électricité). M. Hue sombrerait dans le ridicule s'il songeait à désigner des ministres communistes dans un gouvernement Jospin. M. Chevènement a démissionné assez souvent pour ne pas s'exposer à un nouveau reniement de lui-même.
En d'autres termes, les reports en faveur de M. Jospin auront lieu, selon les sondages ; mais aux élections législatives, les différences seront infiniment plus marquées qu'il y a cinq ans.
En 1997, en effet, il y avait l'ivresse d'une victoire inattendue sur un Chirac qui l'avait déclenchée lui-même. Cette année, l'amertume et la rancur nées des nécessaires compromis de gouvernement qui n'ont pas satisfait les composantes non socialistes de la coalition, risquent d'entraîner des attitudes de rejet. L'ancien trotskiste risque d'avoir contre lui une bonne partie du « peuple de gauche ». Le Premier ministre, s'il est élu président, aura beaucoup de mal à trouver une majorité. Le président, lui, pourrait l'avoir, mais il est moins sûr aujourd'hui d'être réélu.
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