En pleine campagne électorale, Ariel Sharon, considéré comme gagnant par les sondages, doit affronter un scandale financier où sont impliqués ses deux fils, qui auraient reçu des millions de dollars pour des « conseils » donnés à des promoteurs immobiliers.
Avant les révélations de la presse israélienne sur cette affaire, le Premier ministre en exercice semblait en mesure de ne faire qu'une bouchée de son rival travailliste, Amram Mitzna, partisan de la négociation, de la paix et, si nécessaire, d'une séparation physique et immédiate des deux peuples, israélien et palestinien.
Les fortes prises de position de M. Mitzna, ancien général et maire de Haïfa, ont déplacé les travaillistes vers la gauche, tandis que M. Sharon, qui fait campagne encore une fois sur la sécurité mais aussi sur des espoirs de paix, espérait occuper le centre. Mais la plupart des candidats qui figurent au sommet de la liste du Likoud pour les législatives viennent de la droite la plus hostile aux négociations avec les Palestiniens et à l'abandon des territoires. De sorte que M. Sharon, qui souhaite former de nouveau un gouvernement de coalition avec les travaillistes, risque de ne pouvoir offrir à ses concitoyens qu'un peu plus de sang et de larmes.
Rien ne dit que le scandale profitera à M. Mitzna : l'attentat de lundi dernier, qui a fait vingt-trois morts, semble sonner le glas de sa candidature. Pourtant, le chef des travaillistes est le leader israélien qui fait les propositions les plus raisonnables : Israël n'a pas besoin d'occuper les territoires pour survivre et le choix des 200 000 colons (dont une bonne partie accepteront l'évacuation s'ils sont indemnisés et relogés) de vivre sur la rive occidentale ou à Gaza ne doit pas occulter le sort de 5 millions d'Israéliens. En outre, M. Sharon ne peut pas nier que la politique qu'il conduit actuellement a un prix élevé en vies humaines. M. Mitzna, au contraire, propose une solution avec ou sans les Palestiniens, lesquels sont happés par un mécanisme qui accroît la violence, le désordre et la misère. Si les Israéliens consentaient à lire attentivement le programme des travaillistes, ils s'apercevraient qu'il leur offre la possibilité de sortir du cycle infernal sans tenir compte des mouvements terroristes, dont le seul objectif est de les rejeter à la mer. De toute façon, il n'y a pas de parti israélien qui sacrifierait la sécurité à une solution négociée.
Il demeure que, si M. Sharon remporte les élections, il risque d'être affaibli, bien qu'il dispose du soutien américain le plus fort dans l'histoire des relations entre les deux pays. Il ne fera pas un gouvernement de coalition s'il n'offre pas d'emblée des perspectives de paix. M. Mitzna n'est pas hostile à une coalition, mais il n'y participera que si ses idées les plus importantes sont incluses dans le programme de gouvernement. Et, s'il n'y a pas de coalition, l'influence des « faucons » augmentera, puisqu'ils seront élus à la Knesset. L'espoir « centriste » de M. Sharon sera donc déçu et il devra offrir de nouveaux gages à la droite de son parti, ce qui ne peut qu'accroître la violence, même si, indubitablement, le Hamas et le Djihad poursuivront les attentats, quel que soit ne nouveau gouvernement.
M. Sharon a refusé d'étudier la « feuille de route » rédigée par les Européens, les Américains et les Russes et qui prévoit la création d'un Etat palestinien en 2005 : il ne veut pas prendre d'engagements avec le verdict des urnes. Bien qu'elle ait fait grincer beaucoup de dents en Europe, cette position est logique. En revanche, il n'était pas utile d'empêcher des leaders palestiniens de se rendre à Londres où les avait conviés Tony Blair pour examiner les moyens d'une relance de la négociation. M. Sharon fonde sa décision sur l'attentat de lundi dernier, particulièrement meurtrier. Mais il est temps qu'il renonce à un mythe : le commencement des discussions ne sera pas précédé par la fin des attentats. Pour les Israéliens, la question n'a pas trait à la sincérité des dirigeants palestiniens, débordés par le fanatisme ou l'utilisant à leurs propres fins, elle a trait à leur propre sécurité. Une évacuation des territoires ne la leur garantira pas. En revanche, une séparation des deux peuples réduirait considérablement la violence.
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