Sexualité et personnes âgées : « Et la tendresse, gamin ? »

Publié le 09/01/2002
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Il va falloir se faire une raison : les vieux font l'amour, ou du moins beaucoup d'entre eux. Mais que l'on n'aille surtout pas s'imaginer de la débauche dans les chaumières ! De même que la « révolution sexuelle » traduit un changement des mœurs qui n'a rien d'une sexualité débridée, nos représentations des « personnes âgées », s'il vous plaît, sont héritées d'une autre époque et se révèlent de plus en plus inadéquates.

Or cette tranche d'âge prend de l'importance, au moins en nombre. Comment essayons-nous de lui redonner une place clairement définie ? D'abord en la transformant en catégorie sociale fourre-tout, du genre « les jeunes », « les habitants des cités », « le grand public ». Ensuite, en interrogeant les spécialistes. Que nous disent les sexologues ?
Qu'il est difficile de savoir de quoi il retourne, parce que la sexualité des personnes âgées reste un sujet « tabou » pour tout le monde, les premiers intéressés aussi bien que leurs enfants et leurs médecins. Ce que l'on en sait vient donc d'enquêtes et de l'expérience acquise en consultation.
Un certain nombre de contraintes plus ou moins spécifiques pèsent plus ou moins fortement sur un certain nombre de personnes âgées (de plus de combien, au fait ?), avec des répercussions plus ou moins manifestes sur leur sexualité : la diminution, variable, des facultés physiques et mentales due à l'âge lui-même, et les maladies chroniques avec leur cortège d'impotences. Chaque individu est singulier, bien sûr. Jusque-là, nous sommes dans du connu.
L'enquête de Christine Delbes (INED) montre que la majorité des personnes âgées a une activité sexuelle, expression qui recouvre de fait des comportements variés. Les femmes ont beaucoup plus de difficultés que les hommes à trouver un partenaire, parce qu'elles sont plus nombreuses et qu'elles sont victimes des préjugés liés à la ménopause. De ce point de vue, et contrairement aux hommes, un bon niveau socioculturel n'arrange rien. En revanche, il semble que leur niveau de satisfaction se soit amélioré, bien qu'il reste inférieur à celui de leurs cadettes. Et pour cause ! Comme le disait crûment une auditrice, « à partir d'un certain âge, les femmes n'ont que trois possibilités : la masturbation, l'homosexualité ou le voyage exotique si elles en ont les moyens ».
Pour le Dr Marie Chevret-Méasson (Lyon), « il ne faut cependant pas confondre sexualité et génitalité ». Beaucoup apprennent à faire le deuil de celle-ci sans pour autant renoncer à tout rapport physique avec l'autre. Il semble en particulier que les problèmes d'érection aient en fait assez peu de répercussions dans le couple. Pour tout dire, d'après le Dr Sylvain Mimoun (président de la Société francophone de gynécologie obstétrique psychosomatique), les rapports privilégient progressivement la tendresse, dont l'homme plus jeune penserait qu'elle éloigne de la virilité.
Il est même possible que se produise actuellement une « mutation », pour reprendre le mot du Dr Marie-Hélène Colson (Association interhospitalo-universitaire de sexologie), dont un indice serait qu'une majorité de couples se recompose après l'âge de 50 ans et même de plus en plus tardivement. Dans ces couples, la fidélité et la tolérance seraient deux valeurs clés. Le culte de la performance, sexuelle ou autre, serait banni. « Les seniors inventent quelque chose », poursuit-elle. Ne serait-ce pas tout simplement une façon de jouer un de leurs rôles traditionnels : apaiser nos inquiétudes ?

Colloque « Amour, intimité, plaisir et âge », organisé par la Fondation nationale de gérontologie. Table ronde : « La sexualité, parlons-en ! ».

Dr Serge CANNASSE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7041