S'ÉTANT SPÉCIALISÉ après des années d'études dans la psychothérapie conjugale, le Dr Brett Kahr voit défiler dans son petit cabinet londonien la cohorte ininterrompue des Mrs Brown et Misses Jones assaillis d'inopportuns fantas-mes. Il semble lui-même très étonné de la persistante connotation sexuelle des problèmes présentés et de l'omniprésence de ces fantasmagories colorées.
Précisons tout de suite que nous éviterons de choquer le lecteur en donnant certains exemples qui peuvent sembler très crus si on les isole. Mais leur répétition donne plus une impression de grande monotonie que de scandale. Citons tout de même quelques thèmes archi-usés : fantasmes à connotation de viols et de sado-masochisme, de triolisme homosexuel ou d'actes accomplis avec une grande star de la musique ou du cinéma. What else ? Pas grand-chose, sinon que dans le paysage des conjugalités en lambeaux dont le Dr Kahr a à traiter, les fantasmes bloquent parfois la vie sexuelle, mais la plupart du temps s'y substituent. De manière générale, répétons-le, ils sont l'image d'une assez banale misère sexuelle et pourraient appartenir à n'importe quel pays.
Manifestement, Brett Kahr veut rééditer avec ce sujet le choc produit autrefois par le rapport Kinsey en 1939, aux États-Unis. Mais les interminables partouzes rêvées par ses patients feraient pouffer de rire les copines de « Sex and the City ».
Strip-poker.
Plus intéressante est l'aide que peut apporter un fantasme si on parvient à l'intégrer dans les récits de l'analyse elle-même. « Callum » est un immense gaillard de 1,90 m au physique avantageux. Il semble aligner sans fin les conquêtes sans que la véracité de son donjuanisme soit facile à établir. En revanche, il exprime un fantasme à base de strip-poker dans lequel chaque carte représente un acte sexuel différent avec une nouvelle femme. Ceci est exprimé de façon assez gamine et légèrement dépressive.
L'auteur met en évidence alors l'existence d'un chagrin non surmonté par Callum, qu'il relie à la mort de sa mère. «À la suite de son deuil et de la façon dont celui-ci fut géré par sa famille, Callum se mit donc à traiter les femmes comme des objets jetables... En tuant symboliquement ses conquêtes, c'est-à-dire en les quittant très vite, il se prémunissait du risque de subir un nouveau deuil.» Le fantasme de la partie de poker lui permet de satisfaire tous ses désirs et lui permet d'exprimer son agressivité envers les femmes.
L'Angleterre risque-t-elle d'exploser du fait du passage à l'acte possible de tant de fantasmes accumulés ? D'autant que certains semblent liés à la possibilité d'une brutale intrusion à Buckingham et de maltraitance des « Royals ».
Brett Kahr ne le croit pas, qui a tout de même distingué quatorze raisons d'avoir des fantasmes. Étant par définition une satisfaction hallucinatoire, le fantasme, même anxiogène, même faisant réapparaître des scènes d'enfance traumatiques, est plus souvent relaxant et gratifiant.
Reposant tout à coup sa tasse de Darjeeling, Kahr s'avise malgré tout de l'accroissement des fantasmes liés au viol, à l'inceste et à la maltraitance chez ses malades. «Dans ce cas, je serai le premier à alerter les autorités compétentes en la matière», prévient-il. Ouf !
Brett Kahr, « le Livre des fantasmes », traduit de l'anglais par Pierre Demarty., éd. Grasset, 392 p., 20,90 euros.
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