Alors que les voies conduisant à la mise en place d'une dépendance et d'une tolérance aux opiacés ont été étudiées par de nombreux groupes de recherche, très peu d'équipes se sont jusqu'ici intéressées aux voies s'opposant à la dépendance. Pourtant, la compréhension de ces mécanismes pourrait bénéficier au développement de stratégies facilitant le sevrage des toxicomanes. C'est précisément dans cet esprit que Zachariou et coll. (université de Yale, New Heaven, Connecticut) ont mené l'étude aujourd'hui publiée par les « Proceedings » de l'Académie des sciences américaine. Au cours de ce travail, les chercheurs ont démontré qu'un agoniste de la galanine permet, chez la souris, de diminuer l'importance des effets délétères associés au sevrage à la morphine.
Un neuropeptide qui agirait sur le système noradrénergique
La galanine est un neuropeptide exprimé dans la plupart des régions du cerveau. Diverses observations ont suggéré que ce peptide posséderait une activité s'opposant à la survenue des symptômes associés au sevrage aux opiacés. Il exercerait cette activité en agissant sur le système noradrénergique.
Afin de vérifier cette hypothèse, Zachariou et coll. ont testé l'effet d'un agoniste de la galanine, le galnon, sur des souris dépendantes à la morphine. Le galnon a la propriété de se fixer sur les mêmes récepteurs que la galanine. Ce peptide semble en outre plus stable que la galanine et est capable de traverser la barrière hémato-méningée. La molécule a été administrée aux souris par voie intrapéritonéale, à raison de 2 mg/kg. Ce traitement, en comparaison avec un traitement placebo (sérum physiologique), conduit effectivement à une diminution significative des signes de sevrage chez les souris dépendantes à la morphine. Des symptômes associés au sevrage tels que la marche à reculons, la mastication, la diarrhée, les sautillements, le tremblement des pattes et la perte de poids sont tous réduits par l'administration de galnon.
Signes amplifiés chez les mutants
Afin de vérifier que l'effet du galnon passe bien par sa fixation aux récepteurs à la galanine, les chercheurs ont utilisé des animaux génétiquement modifiés. Lors d'une première expérience, ils ont étudié le sevrage de souris n'exprimant plus la galanine endogène. Ces souris Gal-/- montrent des signes de sevrage plus importants que des animaux sauvages : la diarrhée, l'amaigrissement et des comportements anormaux, comme un redressement sur les pattes arrières, la marche à reculons et l'ébrouement, sont amplifiés chez les animaux mutants. Mais si les souris Gal-/- reçoivent du galnon lors du sevrage, elles récupèrent le phénotype de souris sauvages.
L'ensemble de ces données suggère donc que (i) le galnon permet de réduire les troubles associés à l'arrêt de la prise d'opiacés et que (ii) ce peptide agit par l'intermédiaire des récepteurs à la galanine.
Zachariou et coll. ont également étudié des souris surexprimant la galanine endogène dans leurs neurones noradrénergiques. Chez ces animaux, comme chez les souris sauvages auxquelles on a administré du galnon, les signes de sevrage sont significativement réduits. Cette expérience indique que l'effet du galnon et celui de la galanine endogène sont, au moins en partie, médiés par la voie noradrénergique ou une cible de cette voie.
Par des techniques de biochimie, Zachariou et coll. ont ensuite cherché à caractériser le mécanisme moléculaire d'action de la galanine dans la voie dopaminergique. Leur travaux leur ont permis de mettre en évidence que ce neuropeptide inhibe l'augmentation de cAMP observé dans les neurones des animaux en cours de sevrage.
Bien qu'il reste à prouver que les résultats obtenus chez la souris soient transposables à l'homme, le travail de Zachariou et coll. suggère que le galnon pourrait être un peptide efficace permettant d'atténuer les troubles associés au sevrage chez les individus dépendants aux opiacés.
V. Zachariou et coll., « Proc. Natl. Acad. Sci. USA », édition en ligne avancée, à paraître prochainement sur www.pnas.org
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