Les enjeux de la version 1.40
Le nouvelle version propose deux évolutions fonctionnelles majeures :
- Le codage des actes, avec la classification commune des actes médicaux (CCAM), pour laquelle est fourni par le GIE un module dit SRT (services réglementation et tarification) incluant une aide au codage (trouver le code et le tarif correspondant à l'acte). La partie tarif n'est, bien sûr, pas encore renseignée, puisqu'elle dépend de futures négociations.
- La normalisation des échanges électroniques avec les organismes complémentaires (AMC), les professionnels de santé ayant la possibilité d'envoyer une DRE (demande de remboursement électronique) directement vers les frontaux des AMC.
Pour cela, le GIE fournira aux éditeurs le module dit STS (services réglementation et tarification) proposant une aide à la tarification.
Et quelques améliorations :
- La désynchronisation des signatures, qui permet de créer une feuille de soins sans la signer tout de suite. C'est notamment utile aux professionnels de santé (comme les psychiatres) qui pratiquent des actes en série ou qui délèguent la facturation à un secrétariat.
Elle n'était réalisable jusqu'ici qu'avec des logiciels installés sur les lecteurs portables (TLA) essentiellement utilisés par les paramédicaux.
- La prise en compte des remplaçants. Les données de l'assurance-maladie du médecin remplacé sont recopiées sur le poste de travail. La FSE est ainsi élaborée à partir des données de facturation du médecin remplacé et de la CPS du remplaçant.
A terme (2005 ?), comme le prévoit l'accord signé avec les différents Ordres en février dernier, les données de l'assurance-maladie concernant le PS ne figureront plus sur la CPS.
- Le chiffrement des FSE, qui n'étaient jusqu'alors que « brouillées », est prévu même s'il n'est pas encore obligatoire. Le cahier des charges recommande en effet la mise en place du chiffrement dit de transport pour les messages Internet.
- L'acquisition des informations de la carte V1 ter. Cette carte, dotée d'un volet AMC et d'un NIR certifié, évitant à l'assuré de refaire son dossier quand il change de caisse, remplacera progressivement la carte Vitale actuelle.
Les acteurs
Pour comprendre la complexité de la mise en uvre de cette nouvelle version 1.40, il faut rappeler la multiplicité des acteurs :
- Cinq ans après le début du déploiement de SESAM-Vital, plus de la moitié des professionnels de santé sont passés à la télétransmission, ce qui représentait à la fin d'avril 145 421 postes de travail.
Soixante-seize pour cent des généralistes et 50,6 % des spécialistes sont devenus télétransmetteurs.
Les médecins ont signé, rappelons-le, le 10 janvier 2002 un accord où ils se sont engagés à pratiquer le codage à partir du 1er janvier 2004.
- 260 progiciels de télétransmission ont été agréés en version 1.31, ce qui représente 110 éditeurs.
Lorsque le GIE SESAM-Vitale a mis en ligne, au début d'avril, une version préliminaire dite « Draft » de la 1.40, une centaine d'éditeurs l'ont retirée. Il est donc probable que la grosse majorité des éditeurs vont développer une nouvelle version et demander une homologation.
- Les organismes d'assurance-maladie obligatoire ont été rejoints depuis la fin 2000, au sein du GIE SESAM-Vitale, par les représentants des organismes complémentaires.
- La FNMF (Fédération nationale de la Mutualité française), qui compte 3 000 mutuelles adhérentes.
- La FMF (Fédération des mutuelles de France), qui regroupe 8 unions de regroupements mutualistes et 8 unions nationales (mutuelles de la fonction publique et assimilée).
- La FFSA (Fédération française des sociétés d'assurance), qui regroupe 306 entreprises représentant 92 % du marché français de l'assurance.
- Le CTIP (Centre technique des institutions de prévoyance), qui regroupe soixante-quatorze organismes, dont cinq proposent des contrats complémentaires santé.
- La CNAM, le GIE SESAM-Vitale et le CNDA. Pour eux, l'important est d'être techniquement prêts au 1er janvier 2004 pour être en mesure de faire face à la décision - politique - de lancer le codage à cette date butoir. Selon Philippe Bedère, chef de la mission Vitale à la CNAM, le CNDA, responsable de la procédure d'agrément, qui constitue le goulot d'étranglement habituel des migrations SESAM-Vitale, « est en ordre de marche pour faire face à un pic d'agrément à l'automne ».
Le GIE a déjà pris un peu de retard dans la diffusion du cahier des charges 1.40 qui était prévu en avril.
Les packages 1.40 remis aux éditeurs pour être intégrés dans les logiciels de télétransmission représentent plus que des API, ce sont des modules complets. Le pack STR est déjà disponible pour Windows et le sera pour Mac OS à la fin de juin. Le pack STS, en revanche, ne sera distribué qu'en septembre. Il n'y a pas d'urgence, si l'on considère que le démarrage des DRE ne sera que très progressif (voir encadré). Cependant, il est clair que les éditeurs souhaitent intégrer toutes les fonctionnalités en même temps, même si elles ne sont pas toutes utilisées par le professionnel de santé.
Qui est concerné par les actes techniques ?
Heureusement, si l'on peut dire, comme la date du 1er janvier 2004 ne concerne que les 7 200 actes techniques (KA, KC, KCC, KE, KMO, PRA, Z, ZN, ainsi que la plupart des K à l'exception du chapitre 14 et 16 de l'ancienne classification, comme il est précisé dans le cahier des charges, sans oublier les actes des chirurgiens et des dentistes qui n'ont pas encore signé d'accord pour la télétransmission), tous les professionnels de santé ne seront pas tenus de migrer à cette date. L'ensemble des actes, y compris cliniques, ne serait concerné qu'au 1er janvier 2005. Les travaux sur les actes cliniques ne sont d'ailleurs pas terminés.
Parmi les spécialités concernées au premier chef par cette modification de nomenclature : les radiologues, bien sûr. Cependant, une étude réalisée par la CNAMTS à partir des actes définis par l'ancienne NGAP montre qu'il suffit de 36 codes en radio-diagnostic-imagerie pour décrire 89 % de l'activité en cabinet libéral. De même, pour les pathologies cardio-vasculaires, 6 codes décrivent 93 % de l'activité. Autre exemple : l'ophtalmologie, qui repose essentiellement sur 12 codes. « En moyenne, résume Christiane Rame, à la maîtrise d'ouvrage de la CCAM, 80 % de l'activité de la plupart des spécialités concernent une dizaine d'actes seulement. »
Le GIE SESAM-Vitale, qui a la charge d'élaborer les SRT, fera un tri dans la base de référence, exhaustive, en distinguant les actes réalisés uniquement en plateau technique et ne concernant que les établissements.
Ces derniers disposent en effet d'un cahier des charges de télétransmission différent de celui de SESAM-Vitale 1.40, puisqu'ils continuent à transmettre leurs factures aux normes B2. On estime aujourd'hui que moins de 20 % des actes réalisés par les cliniques privées conservent un support papier.
Moralité
Est-il raisonnable de donner comme date butoir le 1er janvier aux éditeurs ?
D'aucuns prédisent déjà une catastrophe annoncée (voir l'avis des éditeurs).
Même à la maîtrise d'ouvrage, on reconnaît à demi-mot qu'il serait plus confortable de se donner dix-huit mois, au lieu de sept.
Le point de vue des éditeurs
Début juin, il manquait encore aux éditeurs un certain nombre de précisions (comme le document décrivant le différentiel 1.40/1.30, le jeu d'essai, la procédure d'agrément, la fourniture des API) pour se prononcer sur l'adaptation de la version 1.40. Ils espéraient tirer des éclaircissements de la réunion prévue le 20 juin avec le GIE. Il faut souligner à ce propos que le GIE a formé un groupe de contact éditeurs représentant une vingtaine de sociétés. Cet effort de collaboration a été dans l'ensemble apprécié des éditeurs. Le GIE a mis en place une hot line 1.40 à leur intention.
Néanmoins, ayant tous à l'esprit les problèmes de la migration à l'euro avec « explosion » des hot line, il leur apparaît qu'il serait illusoire de s'attendre à une migration même partielle de leur parc au 1er janvier 2004. Il n'est pas réaliste de développer, tester et déployer en moins de six mois. Cegedim Logiciels Médicaux comme Axilog sont bien de cet avis. Le GIPSIM (Groupement interprofessionnel de promotion des systèmes) a déjà fait savoir au ministre de la Santé et à la CNAM qu'il fallait s'attendre à des difficultés de mise en uvre d'évolutions ambitieuses liées à un calendrier très tendu.
La FEIMA (Fédération des éditeurs d'informatique médicale ambulatoire) a envoyé, de son côté, une lettre ouverte réclamant à tout le moins une prise en charge par les CPAM d'une hot line de premier niveau sur la 1.40 pour les professionnels de santé.
La plupart ne semble pas décider à se presser. « Nous pensons travailler sereinement sans pression particulière ou autre délai imposé par des pouvoirs publics peu soucieux des contraintes techniques et logistiques de la migration ni des retours sur investissements des éditeurs...Pour la version 1.40, le 1er janvier 2004, on ne se fera pas avoir de la même manière que pour le passage à l'euro », prévient Jean-Pierre Issartel (LogicMax).
D'ailleurs, comme le souligne Nicolas Vatimbella (Eglantine) : « Nos clients, même ceux qui sont théoriquement concernés, ne s'en préoccupent pas. » Alors...
Les lecteurs portables ou autonomes ont-ils assez de mémoire ?
La question s'est posée de savoir si les lecteurs et les terminaux portables qui permettent de créer des feuilles de soins en visite (TLA) ou de façon autonome au cabinet et en visite (système intégré) allaient pouvoir contenir dans leur mémoire la totalité de la CCAM qui pèse 2 Mo. La réponse est oui. Le problème ne concerne en fait que les terminaux qui font aussi la carte bancaire, car les évolutions bancaires sont très gourmandes en mémoire.
Le GIE SESAM-Vitale, qui garantit le développement technique de ces solutions, pense que, dans les cas limites, il suffira de décliner la CPAM par spécialité, en ne chargeant que le codage des actes pratiqués par le médecin. Cela impose toutefois aux éditeurs des développements spécifiques.
Les organismes complémentaires se préparent
Ce n'est pas d'hier que les AMC traitent une bonne part de leurs factures sous forme électronique puisque de nombreux accords ont été passés avec les caisses qui leur envoient les décomptes Noémie. Ainsi le système Assurnet.santé de la FFSA traite environ 100 millions de factures par an (hors tiers payant) et plus de 50 millions de factures via le système Santépharma en pharmacie.
La dématérialisation des échanges entre les professionnels de santé et les AMC sous forme de l'envoi, non obligatoire précisons-le, de DRE à partir du poste du professionnel de santé, rend cependant le système universel et suppose la mise en place d'un système tout à fait semblable à la gestion des FSE par les AMO avec accusé de réception. Début 2004, dans une phase de démarrage, les AMC devraient installer quelques frontaux. Il y en aura sans doute au moins un pour chaque famille de complémentaires mais des accords peuvent aussi être passés. Il faut savoir que la mise en place de ce type de machine demande plusieurs mois de délais en raison des nombreux tests à effectuer. Pour la gestion des flux, les organismes disposent déjà en général de réseaux sécurisés auxquels ils peuvent faire appel. Le CTIP construit ce qu'il appel le RSV, le réseau SESAM-Vitale. On sait que le RSS dont la concession se termine fin 2004 espère bien proposer ses services de messageries électroniques sécurisées dans le cadre de la transmission des DRE.
Dans tous les cas, le médecin n'aura pas à changer de réseau de télétransmission.
Les AMC s'attendent, pour commencer, à un volume réduit de flux mais celui-ci pourrait monter rapidement en fonction du déploiement de la version 1.4 et surtout du succès rapide des négociations avec les professionnels de santé. Il est bien évident que les nouvelles conventions liant professionnels et assureurs complémentaires comprendront un volet financier. Les AMC sont habitués à verser aux caisses d'assurance-maladie 7 centimes d'euro par décompte Noémie. Et s'attendent bien à ce que le service rendu par le médecin ne soit pas gratuit.
Une chose est la facturation, une autre est l'accès aux données de santé permis par l'envoi de DRE et beaucoup plus précises grâce au codage. Les complémentaires réclament des informations santé depuis des années, afin, disent-elles, de mieux adapter leurs contrats aux besoins des patients. Le rapport de Christian Babuziaux, qui a été remis le 5 juin au ministre de la Santé, recommande, pour respecter le droit à la vie privée, d'explorer deux voies d'accès aux données : celle de l'anonymisation (qui exige l'intervention d'un tiers, car les AMC ont besoin de savoir qui doit être remboursé !) ou celle du consentement du patient s'exprimant par l'utilisation chez le professionnel de santé d'une carte spécifique remise par son assureur. Le rapport préconise de mener des expérimentations que les AMC sont en train de préparer pour 2004.
« On peut imaginer une expérimentation limitée à une région ou à une partie des remboursements, la pharmacie par exemple », dit-on au CTIP.
M.-F. P.
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