COMMENT préserver l' «excellence» de notre système de santé dans un contexte de déficits sociaux toujours abyssaux (8,7 milliards d'euros de manque à gagner pour le régime général en 2006 malgré la réforme de l'assurance-maladie) et d'augmentation inévitable des dépenses dans les prochaines années ? C'est cette équation que se propose de résoudre Nicolas Sarkozy : sans rompre avec le modèle à la française (il ne propose ni l'étatisation à l'anglaise ni la privatisation à l'américaine), il préconise plutôt une réforme à dose filée dans le domaine de la santé.
Financement: franchises, chasse au gaspi et TVA sociale
La disposition la plus spectaculaire – et la plus décriée, y compris dans son propre camp – porte sur l'instauration d'une quadruple franchise annuelle sur les soins. Si l'on se fie aux déclarations du candidat Sarkozy, seuls «les premiers euros» de dépenses de médicaments, d'examens biologiques, de consultations et d'hospitalisation ne seront plus remboursés, y compris par les mutuelles. Ce système remplacera les forfaits de 1 euro par acte et de 18 euros sur les actes lourds, mais pas le forfait hospitalier. Dès cet été, une concertation doit s'engager pour définir le montant exact de ces franchises « santé » et les catégories exonérées de ce dispositif (les «chômeurs», a déjà cité Nicolas Sarkozy).
Au chapitre des recettes, le gouvernement aura pour mission d'expérimenter la TVA « sociale » (qui consiste à transférer sur la TVA une partie des cotisations qui pèsent sur le travail).
Afin que «tout euro dépensé soit un euro utile»,le programme santé de Nicolas Sarkozy promet également d'accentuer la lutte contre les fraudes, les gaspillages et les abus. Sur le papier, jusqu'à 12 milliards d'euros d'économies sont attendus chaque année de cette politique, mais rien ne dit que les résultats seront à la hauteur des espérances.
En contrepartie des efforts demandés, Nicolas Sarkozy a promis d'augmenter le remboursement des soins dentaires et optiques et de favoriser l'acquisition d'une complémentaire santé.
Au cours de la nouvelle législature, enfin, la dépendance deviendra le cinquième risque de la Sécurité sociale.
Hôpital: un management calqué sur le privé
Déjà soumis à trois réformes structurelles (tarification, gouvernance, statuts), l'hôpital public devrait continuer à évoluer en profondeur au cours du prochain quinquennat. D'abord, Nicolas Sarkozy a l'intention de généraliser la tarification à l'activité (T2A) et de mener à bien, malgré les difficultés, la convergence des tarifications publique et privée (contrairement à son adversaire qui envisageait un audit et une pause). Secundo : il veut accorder davantage d'autonomie de gestion et de souplesse d'organisation aux établissements (désormais évalués sur leurs résultats). La gouvernance hospitalière sera réorganisée avec la création d'un conseil de surveillance et d'un directoire distincts, permettant de séparer les fonctions opérationnelles des fonctions de contrôle. Tertio : le dispositif des 35 heures à l'hôpital sera revu avec la possibilité pour les personnels volontaires de «travailler plus pour gagner plus». Enfin, Nicolas Sarkozy souhaite ouvrir un grand débat sur le rôle de l'hôpital et revoir en conséquence la carte hospitalière. Comment ? «On ne pourra pas conserver en l'état tous les hôpitaux de France», a déclaré le candidat Sarkozy. Il envisage des regroupements mais surtout un recentrage des établissements sur des missions mieux définies (CHU « pôles » de référence, d'enseignement supérieur et de recherche ; centres hospitaliers spécialisés ; petits établissements positionnés sur la prise en charge de proximité, les soins de suite et la permanence des soins, etc.). Par ailleurs, une simplification radicale des tâches administratives a été promise à l'hôpital.
Médecine de ville: l'après- parcours de soins
Nicolas Sarkozy ne remettra pas en cause la réforme du médecin traitant et des parcours de soins coordonnés. Mais pour lutter contre l'épuisement et l'isolement des praticiens, il envisage de favoriser plus énergiquement le regroupement des professionnels (médecins généralistes, spécialistes et professionnels paramédicaux) dans des cabinets de groupe ou/et des hôpitaux locaux. Dans chaque région, les mises en réseau seront encouragées, de même que la collaboration entre l'hôpital et la médecine libérale. Les médecins de ville devraient se voir proposer de nouvelles «options» de rémunération (exercice mixte, salariat...) en complément du paiement à l'acte. Quant aux tarifs, Nicolas Sarkozy a posé deux principes : l'alignement au plus vite du C et du CS et de nouveaux espaces de liberté pour les médecins qui s'engagent dans l'évaluation de leurs pratiques ou la FMC. Enfin, le numerus clausus continuera à être augmenté.
Organisation du système de santé: la déconcentration
Nicolas Sarkozy ne mettra pas en place la régionalisation du système de santé qu'aurait instituée François Bayrou (consistant notamment à gérer des objectifs régionaux de dépenses). En revanche, le prochain gouvernement devrait accélérer le processus de déconcentration de la santé (commencé avec le plan Juppé) sous la férule de nouvelles agences régionales de santé (ARS) regroupant les ARH, les Drass, les Ddass, les Urcam et les groupements régionaux de santé publique (Grsp).
Santé publique: un vaste plan contre Alzheimer
Au cours de son débat télévisé face à Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy a confirmé son intention de lancer un grand plan contre la maladie d'Alzheimer. Il veut également tripler en cinq ans le budget à la prévention et mieux rémunérer l'innovation thérapeutique. Enfin, il ne souhaite pas légaliser l'euthanasie mais ne s'interdit pas d'aménager la loi Leonetti.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature