De notre correspondante
à New York
Les maladies démyélinisantes, dont la sclérose en plaques (SEP), se caractérisent par une inflammation et une destruction de la myéline du système nerveux central. Au début, les oligodendrocytes, les cellules qui produisent la myéline, prolifèrent, mais il semble qu'elles soient détruites parallèlement à la progression de l'infiltration inflammatoire (cellules T et macrophages) et de la gliose (cicatrisation avec prolifération astrocytaire).
Le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-alpha), une cytokine pro-inflammatoire, est augmenté dans le système neveux central (SNC) au cours de la SEP et de divers autres troubles neurologiques, et l'on considère généralement qu'il favorise la pathologie.
Des études cliniques antérieures ont donc évalué le blocage du TNF-alpha (lenercept, protéine de fusion recombinante TNFR ; ou CA2, anticorps anti-TNF) chez les patients atteints de SEP. Contre toute attente, ce traitement s'est montré inefficace, entraînant même parfois une exacerbation des symptômes.
« Cela nous a incité à examiner le rôle du TNF-alpha dans la démyélinisation et la myélinogenèse », explique l'équipe de chercheurs dirigée par le Dr Ting (University of North Carolina, Chapell Hill) dans « Nature Neuroscience ».
Le TNF-alpha induit une grande variété de réponses, comme l'apoptose dans certaines cellules et la prolifération dans d'autres.
Deux voies de signal, deux récepteurs
Ces effets opposés peuvent s'expliquer en partie par l'existence de deux voies de signal, l'une médiée par le récepteur 1 du TNF (TNFR1), l'autre médiée par le récepteur 2 du TNF (TNFR2). Le TNFR1 induirait la mort cellulaire, tandis que le TNFR2 stimulerait la mort cellulaire ou favoriserait l'activation, la croissance ou la prolifération de la cellule.
Arnett, Ting et coll. ont utilisé un modèle de démyélinisation et de remyélinisation chez la souris. Dans ce modèle, l'administration dans l'alimentation d'une neurotoxine (cuprizone) entraîne une démyélinisation, puis le retrait de la neurotoxine entraîne une remyélinisation. Les chercheurs ont comparé des souris knock-out privées du TNF-alpha et des souris normales.
Lorsque les souris sans TNF-alpha sont intoxiquées par la cuprizone, la démyélinisation dans un premier temps est plus faible que chez les souris normales (avec TNF-alpha), avec apoptose des oligodendrocytes plus modérée, mais la démyélinisation rattrape ensuite (à cinq semaines) celle des souris normales et devient complète. Cela indique que le TNF-alpha favorise bien la démyélinisation aiguë. Le TNF-alpha favorise la pathologie précoce, probablement par induction de l'apoptose des oligodendrocytes.
Démyélinisation puis remyélinisation
Les chercheurs ont ensuite comparé, en double insu, la remyélinisation, en retirant la cuprizone de l'alimentation. De façon inattendue, les souris sans TNF-alpha présentent une remyélinisation significativement retardée et plus faible que les souris normales. Alors que les souris knock-out en TNFR1 ont la même remyélinisation que les souris normales, les souris knock-out en TNFR2 remyélinisent aussi difficilement que les souris knock-out en TNF-alpha. Ce déficit en réparation est associé à une réduction du pool des précurseurs d'oligodendrocytes en prolifération, suivie d'une réduction du nombre des oligodendrocytes matures. Cela indique que le TNF-alpha, par la voie du signal du TNFR2, favorise la remyélinisation en stimulant la production des précurseurs d'oligodendrocytes.
Ainsi donc, suggèrent les chercheurs, l'exacerbation de la SEP chez les patients traités expérimentalement par la neutralisation du TNF-alpha pourrait être due au ralentissement de la remyélinisation. Les chercheurs proposent d'exploiter cette aptitude du TNF-alpha à favoriser la remyélinisation pour traiter les maladies démyélinisantes, y compris la SEP. Par ailleurs, ils suggèrent de réexaminer le rôle joué par le TNF-alpha dans divers troubles neurologiques, dont la maladie d'Alzheimer.
« Nature Neuroscience » du 15 octobre 2001, DOI : 10.1038/nn738.
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