LA PÉNALISATION de la transmission sexuelle par le VIH provoque depuis quelques mois un certain nombre de controverses entre les associations de lutte contre le VIH, les plaignants et les associations de victimes, notamment l’association des Femmes positives (voir notamment « le Quotidien » du 12 novembre 2004 et du 10 janvier 2005). Le Conseil national du sida (CNS), qui s’était déjà saisi de la question et avait publié un communiqué où était réaffirmée la nécessité de respecter le principe de la responsabilité partagée, émet cette fois un avis dans lequel il analyse l’origine de la situation actuelle.
Les procès mettent en lumière des approches contradictoires, explique le CNS, qui souligne que les principes fondamentaux de la lutte contre le VIH sont aujourd’hui insuffisamment partagés. Il rappelle que, dès le début de l’épidémie, les responsables – sanitaires, associatifs, politiques – ont cherché à obtenir une mobilisation de la population contre l’épidémie et ont fondé la politique de lutte contre le VIH sur la « responsabilité partagée ». Elle implique la responsabilité individuelle de chacun, la solidarité avec les personnes atteintes assortie d’une lutte contre toute forme de discrimination.
Message inaudible.
Cependant, la notion est devenue «inaudible», affirme le CNS. Une des raisons réside dans la banalisation de la maladie et le déclin de l’intérêt collectif pour l’épidémie, tous deux provoqués par l’arrivée des multithérapies. La transmission par voie hétérosexuelle, désormais prépondérante, a modifié l’épidémie alors que la société évolue vers une judiciarisation renforcée des rapports entre les individus. Les valeurs de solidarité s’effacent «au profit de la revendication d’un statut de victime, à laquelle fait écho l’émotion devenue centrale au sein des systèmes médiatique, judiciaire et politique», souligne le CNS. Une évolution contraire aux valeurs des associations de lutte contre le sida, qui ont toujours refusé le statut de victime au profit de celui «d’acteur de sa maladie participant à la réponse à apporter à l’épidémie». Aussi, poursuit le CNS, «lorsque des personnes nouvellement contaminées portent plainte en justice, elles sont conduites à une opposition frontale avec les associations de lutte contre le VIH».
Le Conseil met par ailleurs en garde contre la confusion entre droit individuel et mesures de santé publique. «Si le droit individuel à réparation est une liberté fondamentale, pouvant conduire à une sanction légitime par l’intermédiaire de procès, son efficacité dans le cadre de la transmission par le VIH trouve des limitations importantes, et pourrait même avoir un impact négatif en termes de santé publique.»
Le fait de savoir que l’on est infecté par le VIHn’implique pas que l’on soit en mesure d’en comprendre ou d’en accepter les conséquences. La difficulté à assumer est d’autant plus forte que la séropositivité ne s’accompagne d’aucun signe physique. «Les traitements actuels permettent de rendre le virus indétectable chez certaines personnes. Celles-ci pensent alors que le virus n’est plus présent dans leur organisme», explique l’avis. Attitude de déni qui permet de construire une protection psychique, voire imaginaire, et d’éviter les mesures de prévention.
La peur du rejet et de la discrimination n’incite pas non plus les personnes à déclarer leur séropositivité. Pour certaines femmes, par exemple, la multiplication des rejets représente un obstacle important au désir de grossesse et le mensonge par omission devient la seule solution pour mener à terme un projet de maternité. L’idée généralement acceptée que le couple constitue une prévention objective et efficace, grâce à la fidélité, doit être revue.
Etre capable de dire et de négocier.
Le CNS rappelle que, en dehors des cas où la responsabilité pénale d’une personne transmettant le VIH semble clairement engagée, le principe de la double responsabilité doit être réaffirmée : responsabilité des personnes contaminées de ne pas transmettre le VIH et responsabilité de toute personne de se protéger pour ne pas être contaminée.
«Il serait catastrophique que des cas individuels conduisent à considérer que le seul fait de vivre avec le VIH fasse de la personne un criminel potentiel et renforce une stigmatisation existante», indique l’avis. Le CNS recommande que les acteurs de la lutte contre le VIH diffusent plus largement sur le terrain le principe de la double responsabilité.
L’éducation à la sexualité et à la vie affective doit réellement être mise en oeuvre dans les collèges et les lycées. Il convient aussi de chercher à développer les capacités de dire et de négocier les moyens de prévention des personnes vivant avec le VIH et de valoriser dans les campagnes de prévention les personnes vivant avec le VIH qui prennent les moyens de protéger autrui et de se protéger. Sensibiliser les soignants à l’intérêt de proposer le dépistage est, avec la promotion des campagnes de prévention ou de lutte contre la stigmatisation, l’autres mesure proposée.
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