ATTENDUE AU TOURNANT après un début de campagne chaotique, Ségolène Royal s’est remise en selle lors de son meeting au Parc des expositions de Villepinte, avec le soutien de tous les « éléphants » du PS réunis pour l’occasion – à l’exception notable de Lionel Jospin. La candidate socialiste à l’élection présidentielle a pris le soin de démontrer que le PS resserrait les rangs autour d’elle et que les quelque «6500 débats participatifs» organisés avec la population depuis un an ne cachaient pas une absence totale d’idées. Dans un discours fleuve de deux heures, elle a donc présenté son «pacte présidentiel» devant 15 000 militants et sympathisants enthousiastes qui l’interrompaient parfois pour scander «Ségolène présidente». Ce «pacte d’honneur et de confiance» se décline en «100 propositions» (qui rappellent les «110 propositions» de François Mitterrand en 1981), regroupées en neuf chapitres thématiques : «pouvoir d’achat garanti», «travail pour tous», «Sécurité sociale», «lutte contre toutes les formes de violence», «excellence environnementale»... Aux membres de l’UMP qui y ont vu un «patchwork incohérent» et dépourvu de mode de financement, Julien Dray a rétorqué lundi que «l’ensemble des éléments de chiffrage sera connu dans les semaines qui viennent».
Sur le fond, la voie était plutôt étroite puisque Ségolène Royal devait prendre un nouvel élan en donnant plus de consistance à sa candidature, sans renier pour autant le projet de son parti (adopté en juin 2006), ni oublier ses propres initiatives (comme les jurys citoyens), ni faire fi des remontées des débats participatifs (locaux et en ligne sur www.desirsdavenir.org). Au final, la synthèse des trois risque de décevoir le monde de la santé, auquel seulement 3 % des débats participatifs étaient consacrés.
Haro sur les maladies graves.
Certes, la candidate socialiste s’attaque aux grands maux de la santé publique puisqu’elle promet, si elle est élue, de «mettre en oeuvre un grand plan de prévention et de recherche des maladies graves (cancer, sida, Alzheimer, maladies orphelines)», ainsi qu’ «une politique de lutte contre l’obésité, fondée sur une détection précoce et des actions sur la qualité de l’alimentation».
Toujours au nom de la prévention, Ségolène Royal «propose la gratuité totale des soins» pour les enfants de moins de 16 ans, et reprend l’idée de «carte santé jeune» pour les 16-25 ans , incluse dans le projet du PS, qui ouvrira droit à «une consultation gratuite par semestre». Elle y ajoute le principe d’une «contraception gratuite pour les jeunes femmes de moins de 25 ans afin de lutter contre les grossesses précoces». Dans la même veine, elle envisage de «renforcer les moyens de la médecine scolaire et universitaire». «Toutes ces actions entraîneront des économies dans les dépenses de santé car la prévention dès le plus jeune âge est très efficace», a expliqué la candidate à l’Elysée.
Autre geste en faveur de la médecine salariée : Ségolène Royal préconise de renforcer à la fois les moyens et l’indépendance de la médecine du travail (réformée depuis 2002), selon des modalités «à négocier avec les partenaires sociaux».
Silence sur le C.
Quid des professions de santé libérales ? Le «pacte présidentiel» de Ségolène Royal n’y fait pas expressément référence, bien que les syndicats de médecins libéraux fassent actuellement pression pour obtenir rapidement la revalorisation de la consultation généraliste de 21 à 23 euros (comme la consultation spécialiste de base). Bien ancrés à droite, les médecins libéraux apprécient peu la candidate socialiste, puisque seulement 18 % d’entre eux (33 % chez les praticiens âgés de moins de 45 ans) se disent prêts à voter pour elle au premier tour, selon un sondage Ifop-« le Quotidien » du 8 février. Ségolène Royal le leur rend bien puisqu’elle ne dit mot sur la question de la revalorisation des honoraires médicaux. Elle souhaite en revanche «sanctionner les refus de soins» aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU), dont elle entend «réaffirmer les droits», comme ceux des étrangers en situation irrégulière, après les restrictions apportées en 2005 à l’aide médicale d’Etat (AME).
Ségolène Royal a cependant abordé le problème de la démographie médicale en dénonçant «cette violence douce et à peine visible qu’est l’inégalité devant l’accès aux soins». Pour la candidate, il n’est «pas normal» et «pas acceptable» que «des quartiers entiers, des zones rurales n’aient plus de médecin généraliste» et que «trouver une prise en charge pour une personne âgée dépendante relève souvent, aujourd’hui, de l’exploit». En guise de «structures de santé de proximité», elle défend «la création d’un nouveau service public, d’une nouvelle génération de dispensaires en milieu rural et dans les quartiers urbains sensibles». Une fois de plus, Ségolène Royal marque sa préférence pour la médecine salariée, tandis que le projet du parti socialiste évoquait l’ouverture de «500 maisons de santé pour tous» pluriprofessionnelles, sans exclure a priori le regroupement de praticiens libéraux.
Par ailleurs, Ségolène Royal ne semble pas vouloir revenir sur les 35 heures dans les établissements de santé publics (remis en cause dernièrement par Lionel Jospin), mais elle a l’intention d’ «assurer de façon pérenne le financement de l’hôpital» – sans préciser comment – afin de «lui permettre de faire face à toutes ses missions en veillant à l’égalité territoriale d’accès aux soins». En matière de dépendance des personnes âgées, elle privilégie le «développement du maintien à domicile» et «l’augmentation du nombre de places dans les structures d’accueil existantes en renforçant la formation du personnel et sa qualification».
Enfin, la candidate du PS s’engage à «défendre l’accès aux soins des malades dans les pays en développement, par la promotion de médicaments génériques moins coûteux».
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