Livres
Eliette Abécassis écrit de courts romans - « la Répudiée », « le Trésor du Temple », « Mon père » - qui sont plus une plongée dans les méandres intérieurs de l'esprit qu'une envolée vers l'action. C'est ainsi que, paradoxalement, le train et le quai de gare qui servent de cadre à celui-ci et qui sont a priori synonymes d'évasion deviennent sous sa plume des lieux d'enfermement et d'étouffement.
Lui est donc un clandestin, un de ces nombreux migrants arrivés au prix de mille difficultés sur le sol français, dans l'espoir d'y être accueillis et, souvent, pour sauver leur vie. On ne sait d'où il vient, comment il s'appelle, il est beau, bien vêtu, même si ses vêtements ne sont pas appropriés à la chaleur estivale.
Simplement parce qu'il l'a aperçue monter dans le train qui maintenant se dirige vers Paris, il l'a cherchée dans les compartiments et s'est assis non loin d'elle pour la regarder. L'idée de la séduire lui a fait oublier qu'il n'avait pas de ticket, pas d'argent, et, surtout, pas de papiers ; alors que, depuis tant de mois, il a passé les frontières et échappé à tous les pièges, voilà qu'il a perdu tout sens du danger. La police l'attend à l'arrivée.
Mais le désir de parler à cette jeune femme qu'il a l'impression d'avoir déjà croisée l'emporte sur la crainte d'être arrêté.
Elle, à l'opposé, est forte de son statut de haut fonctionnaire, un poste pour lequel elle a patiemment travaillé et un rôle qu'elle peaufine en se coulant dans le moule de son compagnon, de quelques années son aîné.
Les quelques regards échangés suffisent à tout remettre en question : pour lui, son rendez-vous de la dernière chance avec un passeur la nuit même, pour elle, son rendez-vous au bout du quai avec celui qu'elle considère comme l'homme de sa vie.
Seuls au monde dans la cohue, protégés d'abord par la foule qui peu à peu s'éclaircit, l'homme et la femme se reconnaissent - elle était déjà là, dans cette église du nord de la France où les clandestins, dont lui, s'étaient réfugiés après qu'on eut décidé de fermer les camps d'hébergement, elle a assisté à la charge des forces de l'ordre et aux dégâts de leurs matraques ; elle devine qu'il est son avenir, il pense qu'elle va le sauver. Folles espérances.
Plus brève et plus dense histoire d'amour que celle-ci, il n'en est pas. Mais au-delà de ce prétexte anecdotique, dans l'écriture concise qui la caractérise, Eliette Abécassis évoque rien moins qu'un drame social et des détresses psychologiques.
Editions Albin Michel, 155 p., 14 euros.
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