Sécurité sociale : les assureurs ne veulent plus être les « payeurs aveugles »

Publié le 09/12/2003
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En reportant d'au moins un mois la publication de son rapport, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie a déjà démontré que le « diagnostic partagé » sur ce thème est un art difficile. Aux Entretiens de l'assurance, au palais des Congrès de Paris, l'atelier consacré à la réforme de l'assurance-maladie l'a confirmé.

Pour Jean-Philippe Thierry, président de la Fédération française des sociétés anonymes d'assurance (FFSAA) (1) et président-directeur général des Assurances générales de France (AGF), le débat sur la réforme « diabolise les assureurs complémentaires », alors que leur part dans le financement du système, évaluée aujourd'hui à « 13 % », restera selon lui « extraordinairement modeste », même après une redistribution des rôles entre Sécu, mutuelles, assureurs et institutions de prévoyance. Si les régimes complémentaires, et en particulier les compagnies d'assurances, ne visent pas à « prendre le gâteau », ils « ne veulent plus être des payeurs aveugles », et donc avoir une « connaissance partagée du risque », a souligné Jean-Philippe Thierry. « Nous voulons avoir accès aux données de santé », résume-t-il, afin de pouvoir prendre en charge les pathologies de manière plus ou moins importante.
Pour Gérard Quevillon, président de la Caisse nationale d'assurance-maladie des professions indépendantes (CANAM), la volonté de dissocier davantage assurances obligatoires et assurances complémentaires est « catastrophique » et alimente la polémique sur la « privatisation de la Sécurité sociale ». Le président du troisième régime de Sécurité sociale ( « Petit Poucet » avec 1,3 million de cotisants et 3 millions de personnes couvertes) souhaite que le débat sur la réforme évoque aussi « la solidarité familiale » à l'heure où l' « on parle beaucoup d'argent ».
Prenant l'exemple des affections de longue durée (ALD), Gérard Quevillon s'interroge sur la nécessité « de rembourser toujours un moyen de transport à 100 % » lorsque l'entourage du patient, bien connu du médecin de famille, peut assurer lui-même le transport. Il voit là « une possibilité de responsabiliser le médecin de famille et le patient », ainsi que le médecin-conseil de la caisse, qui « tranche » en dernier ressort la question de la prise en charge.

Une réforme qui ne sera pas indolore

« Ne faut-il pas lier le niveau de remboursement au niveau de la prévention ? », a demandé, pour sa part, Yves Bur. Le député UMP du Bas-Rhin, chirurgien-dentiste de profession, a fait notamment remarquer que « tout est remboursé en chirurgie dentaire, même si l'on n'est jamais allé chez le dentiste pendant des années ». De même, on accepte encore le tabagisme, alors qu'il « est clairement responsable de plus de 60 000 morts par an », a-t-il ajouté.
Yves Bur considère que le « droit de tirage illimité », de même que « la zone grise » du système dans laquelle chacun se renvoit la balle, ne peuvent persister. « La réforme de l'assurance-maladie ne sera pas indolore, elle exigera de chacun des sacrifices, de véritables changements », poursuit le député UMP. Il s'agit, selon lui, de revaloriser « la notion de contrat » alors que, « aujourd'hui, plus personne ne respecte les engagements : ni l'Etat, ni les caisses, ni les professionnels de santé, ni les patients ».
Tandis qu'Yves Bur est partisan de « diffuser de la responsabilité partout », le Dr Michel Combier pointe du doigt les acteurs qui ont jusqu'à présent été le plus épargnés, en l'occurrence « les patients, jamais sanctionnés par les caisses lorsqu'ils voient deux médecins dans la journée » et « l'hôpital public, où un nombre important de médicaments sont prescrits sans contraintes ».
Le président de l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF-CSMF) souhaite que « les politiques aient le courage de prendre leurs responsabilités » en vue de limiter les abus de patients irresponsables. Le Dr Combier cite l'exemple du patient qui « préfère prendre (un hypolipémiant) plutôt que de renoncer au confit de canard » et du diabétique qui préfère une prescription « plutôt que de se mettre à la marche et au régime ».

(1) La FFSAA est l'une des deux composantes, avec la FFSAM (Fédération française des sociétés d'assurance mutuelle), de la FFSA (Fédération française des sociétés d'assurances).

Agnès BOURGUIGNON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7443