C ETTE fois, le Medef a franchi le Rubicon et a mis sa menace À exécution.
Après avoir rencontré Lionel Jospin pendant près de deux heures, Ernest-Antoine Seillière et Denis Kessler, respectivement président et vice-président délégué de l'organisation patronale, ont en effet annoncé, sur un ton plus grave et solennel que jamais, qu'ils ne renouvelleraient pas les administrateurs du Medef au sein des caisses de Sécurité sociale qu'elles soient locales ou nationales « sans exception ». Le mandat des administrateurs désignés en juillet 1996 prend fin le 30 septembre prochain.
Le Medef a donc pris la décision « historique » de ne plus siéger, pour l'instant, dans les organismes de Sécu où il était impliqué depuis 55 ans. « Ce n'est pas un ultimatum ou un affrontement c'est une décision prise, nous sommes partis », a précisé Ernest-Antoine Seillière.
Toutefois, le Medef n'a pas voulu insulter l'avenir et n'a donc pas totalement claqué la porte. Mais il exige désormais que les discussions pour refonder la Sécurité sociale se déroulent sur son propre terrain.
Une discussion tripartite
Ernest-Antoine Seillière a DONC proposé l'ouverture d'une discussion tripartite (gouvernement, syndicats, employeurs) sur la base de dix mesures de clarification qui permettraient au Medef « d'assumer le cas échéant de vraies responsabilités ». Parmi ces mesures, on notera «le respect des missions de la Sécurité sociale », « La transparence totale des budgets et des comptes », «la consultation des partenaires sociaux avant la mise en oeuvre de nouvelles prestations », ou encore « l'obligation de suivre l'avis exprimé par une majorité qualifiée des partenaires sociaux ». En ce qui concerne spécifiquement l'assurance-maladie, les conditions posées par le Medef sont encore plus spectaculaires. L'organisation patronale demande « la définition claire des compétences respectives des pouvoirs publics et des conseils d'administration vis-à-vis des différents fournisseurs de soins» et surtout « le respect impératif contraignant de l'objectif fixé par l'ONDAM ».
La balle est dans le camp du Premier ministre, a conclu Denis Kessler, avant de souligner que le départ du Medef n'aurait aucune conséquence sur les prestations versées aux assurés sociaux.
Si le Medef a mis sa menace à exécution, c'est avant tout parce qu'il était ulcéré par la « ponction » imposée à la Sécurité sociale pour financer les allégements de cotisations sociales liés aux 35 heures. Comme le gouvernement n'était pas disposé à revenir sur ce point, le Medef ne pouvait plus se déjuger. Reste que, pour l'instant, le départ du Medef de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) fragilise d'abord la position de la CFDT, qui préside la caisse depuis 1996. Sans le renfort du patronat, la majorité actuelle de gestion de la CNAM ne tient plus qu'à un fil et n'a plus guerre de sens. Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, ne s'y est pas trompée lorsqu'elle a affirmé que la désertion du patronat signifierait non seulement que le « paritarisme » vole en éclats, mais précipiterait l'étatisation de la Sécurité sociale. Après ces propos explicites, on voit mal comment l'actuel président CFDT de la CNAM, Jean-Marie Spaeth, pourrait conserver son fauteuil. Denis Kessler
a d'ailleurs enfoncé le clou en observant avec ironie, que
« le paritarisme, sans les employeurs, c'est un peu particulier ».
Dans ce contexte de tension sociale croissante, il n'est guère surprenant que le Medef ait annulé la réunion paritaire qui était prévue avec les syndicats sur l'assurance-maladie, sixième chantier de la refondation sociale.
Pour les syndicats de médecins libéraux, du moins pour la majorité d'entre eux, le départ du Medef ne saurait être perçu comme une mauvaise nouvelle. D'abord parce que le patronat a toujours été partisan d'une maîtrise des dépenses de santé draconienne. Ensuite parce que le départ du patronat annonce sans aucun doute l'avènement d'une nouvelle majorité de gestion à la CNAM composée de syndicats plus favorables aux médecins libéraux que la CFDT.
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