« C E n'est pas un ultimatum », a juré Ernest-Antoine Seillière, président du Medef, en annonçant le désengagement des employeurs de la gestion de la Sécurité sociale. Matignon non plus n'a pas voulu voir dans la décision du Medef une « logique d'ultimatum ». Mais cela y ressemble très fort.
En demandant la « refondation » de la Sécurité sociale dans le cadre d'une négociation tripartite (gouvernement, syndicats et employeurs), le Medef a renvoyé la balle dans le camp du Premier ministre. Autrement dit, si Lionel Jospin ne prend pas en main immédiatement le chantier de la Sécu, laissé en friche depuis plusieurs années, il prendra la responsabilité historique de la mort du paritarisme, prélude à l'étatisation de la Sécurité sociale. Et le gouvernement devra assumer seul, au passage, la responsabilité des déficits chroniques de la branche maladie à moins d'un an des élections législatives et présidentielle.
« Très, très bonne discussion... »
Lionel Jospin et Elisabeth Guigou ont entendu l'exigence de réforme, d'autant qu'elle a été relayée par tous les partenaires sociaux, et particulièrement par la CFDT, reçus pendant trois jours à Matignon. Aucun, en effet, n'a souhaité tourner définitivement la page de la gestion paritaire et tous ont insisté sur la nécessité de clarifier les relations entre l'Etat et la Sécurité sociale. L'attentisme n'est donc plus de mise. Le Premier ministre s'est d'ailleurs félicité de la « la volonté de dialogue » des partenaires sociaux et a noté, dans un propos un brin ironique, la « disponibilité » affichée par le Medef pour négocier, de manière tripartite, la refondation de la Sécurité sociale. Aucune porte n'est donc fermée. Elisabeth Guigou, dans ce même registre, a affirmé être « tout à fait d'accord pour approfondir » la réflexion sur l'avenir de la Sécurité sociale qui est « déjà engagée ». La ministre de l'Emploi et de la solidarité a insisté au passage sur la « très, très bonne discussion » avec le Medef, qui venait pourtant de lui confirmer son départ.
L'« autisme » du Medef
A gauche, c'est finalement le porte-parole du PS, Vincent Peillon, qui a eu les mots les plus durs à l'égard du Medef en dénonçant la « conception étroite et un peu autiste du dialogue social » de l'organisation patronale qui utilise, a-t-il ajouté, « une méthode de chantage ».
Si le gouvernement est obligé de répondre, d'une manière ou d'une autre, à la demande de réforme des partenaires sociaux, il ne peut accepter de se placer sur le terrain du Medef. Les organisations de salariés ne l'accepteront pas, qui ont elles-mêmes réfléchi depuis de nombreux mois à l'avenir du système de Sécurité sociale. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, a évoqué la « méthode de négociation inacceptable » du patronat. Il demande l'ouverture d'une concertation mais avec « l'ensemble des acteurs intéressés (...) les organisations professionnels de santé, les médecins, les spécialistes, le mouvement mutualiste ».
Le gouvernement peut-il désamorcer la crise avant le 31 juillet, date de clôture des candidatures au renouvellement des conseils d'administration des caisses ? Cela semble difficile. Ernest-Antoine Seillière a affirmé que sa décision était cette fois « irrévocable ». Très prudent et caustique, le Dr Claude Maffioli, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) met en garde: « Je n'ai jamais connu une diva plus précieuse que le président du Medef, qui pourrait parfaitement jouer dans un ballet d'Offenbach. » (Lire les réactions des syndicats médicaux en page 4).
Autrement dit, après avoir fait un pas en arrière, le patron des patrons peut très bien faire deux pas en avant.
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