D EPUIS sa dernière mise au point sur la sécurité sanitaire, le 10 juillet, Bernard Kouchner note qu'il n'y a pas eu de vacances pour les risques. La période estivale « a été fertile en alertes, en particulier dans le domaine des médicaments », dit-il.
Le ministre recevra, à la fin de la semaine prochaine, le rapport qu'il a demandé à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) sur les conditions de retrait de la cérivastatine et de mise en uvre des obligations prévues par la loi. Il s'agit de dégager « de bonnes pratiques de pharmacovigilance (qui) doivent être opposables aux laboratoires ». « Rien n'a obligé Bayer à retirer le Staltor. C'est une erreur à mon avis », tient à commenter Bernard Kouchner, en reconnaissant qu'il aurait « dû aller à la télé » pour expliquer qu'il n'y avait « pas de danger à le retirer ». Pour avoir personnellement exercé la profession de visiteur médical pendant deux ans, il entend tirer, sans détour, les enseignements de cette affaire. Il convient d'apporter aux praticiens « une information réelle » fondée sur « des résultats ». « Les habitudes de prescription doivent être revues dans leur entier », estime-t-il.
« Notre problème, c'est l'encadrement », plaide de son côté le Pr Lucien Abenhaïm, directeur général de la santé, qui espère pouvoir éviter « les dérapages » grâce au fonds d'information de l'AFSSAPS sur les médicaments, financé par une taxation sur la publicité pharmaceutique. La « transparence », rien que la transparence, ponctue le ministre. Toujours au nom de la réduction des risques, l'AFSSAPS vient de renforcer la surveillance des « conséquences des antirétroviraux prescrits chez les femmes enceintes séropositives pour le VIH ». Et les benzodiazépines font l'objet d'une sixième lettre de l'agence aux médecins, depuis le début de l'année, qui les met en garde contre toute prescription à des sujets dépressifs. Dans tous les cas, note Bernard Kouchner pour clore ce chapitre, « face aux risques iatrogènes d'une prise en charge médicale, la loi Droit des malades et qualité du système de santé », qui sera en discussion au Parlement début octobre, « constitue une réponse attendue et nécessaire face à l'aléa thérapeutique ».
En ce qui concerne la sécurité transfusionnelle, la mise en application, depuis deux mois, du dépistage génomique viral pour le VIH et le VHC a déjà porté ses fruits : un cas de donneur contaminé par le virus de l'hépatite a été détecté. Dans le domaine alimentaire, la pression de l'opinion publique pousse à étendre partout le principe de précaution et d'interrogation.
Ainsi, d'après un rapport européen sur la teneur des pesticides dans les aliments, il existe des taux trop élevés de ces produits chimiques dans les choux-fleurs, les melons et surtout les poivrons. L'AFSSAPS étudie actuellement les risques alimentaires courus et les « normes admissibles de pesticides ».
Une autre expertise, en cours validation, sur la présence de résidus de pesticides dans l'alimentation des nourrissons et des enfants en bas âge, sera rendue publique en octobre. Les organismes génétiquement modifiés (OGM), toujours dans le cyclone de la polémique, seront au cur d'un colloque qui recensera leurs bienfaits et leurs dangers, organisé par l'AFSSPA en décembre. Bernard Kouchner, d'autre part, recommande la prudence aux amateurs de sushi à la suite de la toxi-infection alimentaire collective à ciguatera, due à la présence dans les poissons tropicaux d'une toxine élaborée par des algues coralliennes.
Des dangers qu'on croyait disparus
Pour ce qui est de certains dangers qu'on croyait disparus, le ministre délégué à la Santé annonce là encore la mobilisation. Face aux 46 cas de syphilis observés depuis le début de l'année, contre 32 en 2000, le dispositif de surveillance va être renforcé. Si nécessaire, la syphilis pourrait réapparaître dans la liste des maladies à déclarer obligatoirement.
Gare aussi aux moustiques en Camargue, qui, infectés par des oiseaux, peuvent transmettre à l'homme le virus West Nile (fièvre du Nil occidental), lequel provoque un syndrome fébrile, et occasionnellement une méningite aseptique ou une encéphalite parfois létales. A la date du 6 septembre 2001, 8 suspicions de cas humains ont été signalées.
Le risque de contracter la rage par une morsure de chauve-souris, identifié depuis des années et oublié au fil du temps, revient également au devant de la sécurité sanitaire. Cinq cas de rage chiroptères ont été détectés en 2000. Une brochure grand public sur le sujet sera disponible dans les DDASS à la fin du premier semestre 2002.
Le rôle des inspecteurs de santé publique
Dans le chantier permanent des risques sanitaires, où les enjeux se font de plus en plus pressants, les médecins inspecteurs de santé publique (MISP) « ont un rôle essentiel à jouer pour planifier, conduire et évaluer les politiques de santé ». C'est pourquoi le ministère lance une campagne d'information à partir du 14 septembre, notamment dans « le Quotidien », visant à promouvoir « un métier encore trop peu connu ». Pour l'instant, le corps des MISP compte 554 agents dont 349 exercent dans les services déconcentrés du ministère.
Ce qu'en pense le ministre
. La dépénalisation de l'usage des drogues : « Je partage l'avis très sérieux du Conseil national du SIDA » (qui s'est prononcé pour l'absence de sanction). Je pense qu'il faut revisiter la loi de 1970 sur les stupéfiants, pour l'adapter aux éclairages modernes. Il faut être en mesure d'écouter nos jeunes. »
. Le Medef envisage la suppression des pharmacies (dans un document de travail, « le Quotidien » du 10 septembre) : « Et, en supprimant les médicaments, on supprimera les pharmaciens, c'est aussi bête. Ou encore, supprimer le Medef pour créer des emplois. Grotesque ! »
. L'absence du Medef des organismes paritaires : « Il faut en profiter pour moderniser le système de la Sécu. »
. Le peu de succès des génériques : « En attribuant un nom qu'on connaît à un médicament, on lui donne une forme magique qui viendrait du pouvoir médical. C'est curieux. Il faudrait donner un autre nom que "générique" : "médicament moderne" ou "forme moderne de prescription". »
. La restauration rapide : « Jamais, ou bien une fois il y a bien des années, il n'y a eu d'infection dans des lieux où l'on mange des hamburgers ; mais dans les autres lieux de restauration, oui. »
Vers de nouvelles connaissances et améliorations
- Saturnisme infantile : campagne d'information des médecins franciliens, à l'automne, élargie, à terme, à l'ensemble du pays ; et gratuité prochaine des examens biologiques relatifs au dosage du plomb dans le sang.
- Infections nosocomiales (IN) : résultats de la deuxième enquête nationale de prévalence des IN dans les hôpitaux et cliniques, conduite par l'InVS, au premier trimestre 2002.
- Pollution industrielle : enquête sur les risques de leucémie et autres cancers chez 1 000 enfants de moins de 5 ans ayant fréquenté jusqu'à l'année dernière l'école maternelle Franklin-Roosevelt à Vincennes, construite sur le site d'une ancienne usine chimique de la société Kodak ; constitution d'un registre des cancers pédiatriques dans le Val-de-Marne, portant sur les dix dernières années.
- Tchernobyl en Corse : l'InVS, qui étudie au niveau épidémiologique les retombées de l'explosion de la centrale nucléaire ukrainienne dans l'île de Beauté, rendra un rapport en mars 2002. Pour l'instant, aucune trace de contamination radioactive n'a été détectée dans les prélèvements alimentaires effectués dans des régions maraîchères ou d'élevage.
- Norlevo : la pilule du lendemain sera mise gratuitement à la disposition des mineures dans les officines, très prochainement.
- Maison de naissance : à caractère familial, et non hospitalier, la première verra le jour à Antoine-Béclère, à Clamart (Hauts-de-seine), en 2002.
- Un Observatoire de la qualité hospitalière : Bernard Kouchner devrait l'installer à l'automne. Il aura pour mission de proposer des critères susceptibles de rendre compte de la qualité des services dispensés par les établissements de santé. Dans les cinq ans à venir, l'accréditation des locaux et matériels sera complétée par l'accréditation des actes médicaux effectués dans les hôpitaux.
Mesures de sécurité sanitaire prises par l'AFSSAPS entre le 1er/011/2000 et le 31/08/2001 pour trois catégories de produits de santé
MédicamentsRéactifs de diagnostic in vitroDispositifs médicaux
RetraitRetraitRetraitRetraitRetraitRetrait
Produitslotsproduitslotsproduitslots
.
200132602865
(au 31/08/2001)
.
2000347041272
.
Totaux673069337
.
N.B. - Les produits dits « frontières » tels les ensembles dispositifs médicaux/médicaments sont comptabilisés une fois dans chaque catégorie.
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