Au mois d'octobre dernier, le Conseil national de l'Ordre (CNOM), face à la montée croissante de l'insécurité des praticiens, annonçait la mise en place d'un Observatoire de la sécurité des médecins, chargé de recueillir et d'analyser les incidents avec violence, verbale ou physique, dont sont victimes les praticiens dans l'exercice de leurs fonctions (« le Quotidien » du 23 octobre 2002).
Le premier rapport porte sur 320 fiches d'agression remplies par les médecins eux-mêmes pour la période du 1er janvier au 31 mars 2003. Sur ces 320 « incidents » traités, 39 % ont concerné une agression verbale entre un patient ou une personne l'accompagnant, et son médecin ou une personne travaillant avec lui, 20 % un vol ou un hold-up dans son lieu de pratique habituel, 16 % une agression physique entre un patient ou une personne l'accompagnant, et un médecin ou une personne travaillant avec lui, 8 % un acte de vandalisme dans le lieu de pratique habituel du médecin, 8 % un vol de véhicule ou dans un véhicule dans un contexte professionnel, 6 % un acte de vandalisme sur le véhicule d'un médecin dans un contexte professionnel, 2 % une tentative de vol non réussie et 1 % une lettre anonyme.
Les violences physiques réelles représentent donc presque exactement un incident sur six, le plus gros pourcentage correspondant, et de loin, à des agressions verbales qui, selon les mots du Pr Jean Langlois, président du CNOM, « vont malgré tout beaucoup plus loin qu'une réponse un peu sèche à une question du médecin ».
Refus de prescription et attente
Dans les mobiles de ces incidents ou agressions, le refus de prescription arrive en tête avec 11 % des cas signalés, le temps d'attente jugé excessif venant en deuxième position (10 % des cas). Suivent les vols ou tentatives de vol (7 %), le reproche relatif à un traitement (4 %), le refus de certificat médical ou d'arrêt de travail (4 %), le refus de donner un médicament (3 %), l'état psychiatrique du patient (3 %), la décision médicale contestée (3 %), l'état d'ébriété (2 %), le refus de se faire soigner (2 %), les patients venus sans rendez-vous et n'obtenant pas de consultation (2 %), l'incompatibilité d'humeur (2 %), enfin la drogue, l'avis d'inaptitude contesté, l'acte de racisme, le refus de payer la consultation, le délai de rendez-vous trop éloigné, les problèmes de documents non conformes, avec 1 % chacun.
Le cadre dans lequel ces incidents ont eu lieu a également été analysé à partir des données fournies par les médecins eux-mêmes : 62 % de ces incidents ont eu lieu dans le cadre d'un exercice de médecine de ville au cabinet du médecin, 14 % toujours dans le cadre d'un exercice de médecine de ville mais en visite, 9 % dans un établissement de soins en dehors du service d'urgences, 5 % dans le service d'urgence d'un établissement de soins et 9 % dans un cadre non précisé.
Quant aux suites données à ces affaires, elles permettent heureusement d'en relativiser un peu l'importance, puisque seulement 19 % de ces incidents ont donné lieu à un dépôt de plainte avec constitution de partie civile, 16 % un dépôt de plainte mais sans constitution de partie civile, 12 % un dépôt de main courante et 51 % n'ont eu aucune suite. Enfin, seulement 9 % de ces incidents ont eu pour conséquence une interruption temporaire de travail, dont près de la moitié d'une durée égale ou inférieure à 8 jours.
Le Conseil national de l'Ordre précise que ces résultats sont purement quantitatifs et que les analyses qualitatives seront disponibles dans le courant du mois de juillet.
Collaborateur salarié : vers une modification du code de déontologie
La section Exercice professionnel de l'Ordre a entamé il y a six mois une réflexion sur le statut de collaborateur salarié ou associé. L'Ordre sera en mesure de proposer une modification du code de déontologie d'ici à la fin de l'année, a annoncé le Pr Jean Langlois, en marge de sa communication sur l'insécurité des médecins. L'objectif est de favoriser, comme le préconise le rapport Descours sur la démographie des professions de santé, l'installation des médecins dans certaines zones démographiquement déficitaires. « Ça va poser quelques problèmes, mais manifestement, la possibilité pour un médecin de disposer du choix entre un collaborateur salarié et un collaborateur associé libéral est dans l'air », a-t-il précisé laconiquement. Pour le Pr Langlois, la difficulté de la réécriture des articles 87 et 88 du code de déontologie réside dans le fait qu'il peut y avoir « une dépendance administrative entre un médecin et son associé ou son salarié, mais en aucun cas cette dépendance ne peut être médicale ou professionnelle ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature