Le calendrier est parfois cruel. Très affaibli par la catastrophe sanitaire qu'a provoquée la canicule et meurtri par les accusations répétées de mauvaise gestion ou d'aveuglement portées contre lui au lendemain d'un été meurtrier, Jean-François Mattei (dont le remplacement a même été évoqué par plusieurs articles) doit désormais prendre à bras le corps, avec autorité, un autre dossier explosif : la réforme de la Sécurité sociale.
Même si Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin ont tenté de déminer le terrain avant l'été, en précisant que l' « adaptation » de notre système de protection sociale se ferait par étapes et dans la concertation, jusqu'à l'automne 2004 (voire sur l'ensemble de la législature), le déficit vertigineux de l'assurance-maladie, qui approchera 16 milliards d'euros sur deux ans (2002-2003), exige des mesures de financement urgentes pour renflouer la trésorerie. Mais au moment où dix jours de canicule ont ébranlé notre système sanitaire et révélé la détresse extrême des personnes les plus fragiles, l'opinion publique aura sans doute encore plus de mal à accepter des décisions douloureuses. D'autant que, contrairement à la réforme des retraites, ce qui touche à l'assurance-maladie a un impact immédiat et sur l'ensemble des Français. Selon un sondage CSA (1) publié par « l'Expansion », seulement 22 % des Français seraient prêts à prendre davantage en charge financièrement leurs dépenses de santé pour équilibrer durablement les comptes de la Sécu.
PLFSS sous tension
Quoi qu'il en soit, des échéances cruciales attendent le ministre de la Santé dans les prochaines semaines sur ce dossier. Dès la seconde quinzaine de septembre, Jean-François Mattei aura la confirmation de l'ampleur de sa tâche, avec la traditionnelle réunion de la commission des comptes de la Sécurité sociale qui devrait délivrer un verdict accablant. Pour la seule année 2003, le déficit de l'assurance-maladie tendra vers les 10 milliards d'euros. Dans un contexte où la progression des dépenses d'assurance-maladie ne faiblit pas (6,5 % sur un an, selon les derniers chiffres de la CNAM) et, surtout, où le ralentissement économique tarit les rentrées de cotisations, l'effet de « ciseaux » est inévitable. L'ardoise sera donc salée. Mais le gouvernement s'interdit toujours d'augmenter la CSG, dont un point supplémentaire rapporterait pourtant 9 milliards d'euros. Il faudra donc faire preuve d'imagination. Lors de cette réunion de la commission des comptes, le ministre de la Santé dévoilera les grandes lignes du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2004, que Jean-François Mattei défendra publiquement à la fin d'octobre. Des jalons seront posés pour permettre d'accroître le rôle et la part des organismes complémentaires dans la gestion des dépenses. Le gouvernement devra aussi proposer au Parlement de voter un nouvel Objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) sur des bases médicales plus crédibles.
Dès le début du mois de septembre, le ministre doit, en outre, ouvrir une phase de concertation « poussée » avec les partenaires sociaux, en espérant aboutir à un consensus sur la nouvelle architecture du système de santé et d'assurance-maladie. Cette réforme de la « gouvernance », qui impose une clarification des rôles entre l'Etat et les partenaires sociaux, devrait faire l'objet d'un projet de loi spécifique. Certains, comme Alain Juppé, plaident carrément pour la création d'une « cinquième branche de la Sécurité sociale » consacrée spécifiquement à la dépendance des personnes âgées.
Déficits record, tensions sociales... Le 30 juillet dernier, Jean-François Mattei déclarait à « Libération » que la rentrée serait pour lui forcément « délicate ». C'était juste avant la vague de canicule.
(1) Le sondage a été réalisé les 8 et 9 août auprès d'un échantillon représentatif de 1 001 personnes âgées de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.
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