C'est une mise en bouche, avant le plat de résistance promis dans quelques mois.
A partir d'aujourd'hui, et jusqu'à vendredi, les députés examinent en séance publique le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2004, un budget de portée limitée puisqu'il ne vise qu'à endiguer la dérive du déficit vertigineux de l'assurance-maladie ; grâce aux mesures correctrices envisagées, le gouvernement espère contenir le manque à gagner à hauteur de 10,9 milliards d'euros, fin 2004, contre 10,6 milliards, cette année.
Contrôle médical des ALD : Mattei en difficulté
Dès ce matin, dans son discours général, Jean-François Mattei devrait rappeler la ligne de crête étroite de ce texte qui ne fait que poser les jalons de la « modernisation » attendue en 2004 (un avant-projet de loi sur la réforme sera prêt vers le 15 juillet). Le chemin de la réforme est balisé. « Cette année, la clarification et l'ambition, l'année prochaine, la responsabilisation », a expliqué le ministre de la Santé à la commission des Affaires sociales de l'Assemblée. De fait, à l'exception notable du coup d'envoi de la tarification à l'activité dans les disciplines de court séjour, qui constitue, selon Jean-François Mattei, une « révolution copernicienne », le PLFSS 2004 ne contient aucune disposition structurelle. Il dessine plutôt un patchwork de mesures d'urgence qui ont d'ailleurs fait l'objet de critiques quasi unanimes, qu'il s'agisse de la hausse du forfait hospitalier (sauf dans les établissements psychiatriques) et des droits tabac, ou encore de la baisse du taux de remboursement de l'homéopathie (voir par ailleurs).
S'il fallait une preuve supplémentaire de l'intérêt relatif que suscite le PLFSS 2004, certains la trouveront dans le faible nombre d'amendements déposés en commission la semaine dernière : 220 enregistrés et 109 adoptés. Même si d'autres arriveront aujourd'hui par le biais d'une procédure accélérée, il faut comparer ce chiffre aux 350 amendements déposés l'année dernière, alors même que le texte défendu était déjà un budget « de transition ».
Même si, constate un expert, « le passage en commission des Affaires sociales n'a pas bouleversé l'équilibre du projet gouvernemental », quelques amendements obligent Jean-François Mattei à revoir sa copie. C'est principalement le cas sur la question sensible du classement en ALD qui a pour conséquence d'entraîner l'exonération du ticket modérateur d'un grand nombre de prestations. Soucieux de maîtriser « très significativement » les dépenses des patients en ALD (près de 6 millions de personnes concernées), le gouvernement avait décidé (article 31 du PLFSS) de médicaliser les critères d'exonération du ticket modérateur dans le cadre d' « un protocole de diagnostic et de soins » établi par un examen conjoint du patient par le médecin traitant et le médecin-conseil. Mais la commission des Affaires sociales, tous groupes confondus, a rejeté cet article dont l'application est jugée « irréalisable ». Un revers pour le gouvernement qui sait que les dépenses remboursées aux patients en ALD représentent plus de la moitié du total des dépenses remboursées par l'assurance-maladie. Jean-François Mattei devrait proposer une nouvelle rédaction pour renforcer, malgré tout, le contrôle médical de l'assurance-maladie sur l'admission en ALD.
Sur le gros morceau du PLFSS, à savoir le début d'application de la tarification à l'activité, la commission a adopté un amendement (UMP) qui reporte du 1er mai « au 1er octobre 2004 » la date d'application de la réforme dans l'hospitalisation privée. Ce délai devrait permettre aux cliniques de préparer leurs circuits budgétaires.
La commission a également modifié les conditions de la hausse de la taxe sur les dépenses de promotion des médicaments. A la demande de Pierre Morange (UMP), rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, les parlementaires ont allégé la pression fiscale pesant sur les petits et moyens laboratoires (en augmentant le montant de l'abattement forfaitaire de 500 000 euros à 1,5 million d'euros) et, à l'inverse, ont alourdi la charge pour les plus importants. La commission a également institué une « contribution exceptionnelle » égale à 0,5 % du chiffre d'affaires réalisé par les laboratoires en 2004.
Un « relevé » pour responsabiliser les assurés
Dans un souci de responsabilisation des patients, un autre amendement adopté propose qu'un assuré porteur de la carte Vitale puisse connaître immédiatement le montant des dépenses qu'il entraîne, dès lors que ces frais sont remboursés par l'assurance-maladie. Cette information en temps réel du patient pourrait être donnée sous forme d'un relevé remis par les pharmaciens, retraçant le coût des médicaments.
Dans le domaine de la médecine de ville, enfin, le PLFSS insiste sur le renforcement des outils de la maîtrise médicalisée, dont le gouvernement attend des économies plus probantes. Certaines dispositions sont bien acceptées, comme l'expérimentation du dossier médical partagé. Mais d'autres inquiètent toujours la profession, comme l'application « au plan régional » des contrats de pratiques professionnelles (CPP) ou de santé publique (CSP) à adhésion individuelle, ou encore la possibilité donnée aux URCAM de passer directement des contrats avec des groupes organisés de médecins libéraux. Pour la plupart des syndicats, ces mesures, qui encouragent la contractualisation individuelle, y compris sur les questions délicates de régulation des dépenses, hypothèquent les discussions sur l'avenir de l'assurance-maladie.
Mais, dès jeudi, le gouvernement ouvre un second front, autrement plus décisif. Les 53 membres du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie doivent se réunir en séance plénière, inaugurant un programme de travail intensif sur des thèmes tels que l'évolution des dépenses, l'organisation des soins ou le rôle des différents acteurs. D'ici à Noël, cette instance doit ausculter le système et rendre un « diagnostic partagé ». A la lumière de ces travaux, le gouvernement pourra mieux préparer l'opinion à la nécessité d'une réforme d'envergure.
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