Invité des rencontres parlementaires « Santé Société Entreprise » pour une session consacrée à la question « Assurance-maladie à l'heure du changement : quelle place pour la concurrence ? », Gilles Johanet, ancien directeur de la CNAM actuellement chargé des activités « santé et collectivités » des AGF, a mis en perspective les comptes désastreux de la branche maladie de la Sécurité sociale.
Alors que le déficit cumulé atteindra 30 milliards d'euros à la fin de 2004, l'expert fait ses comptes : « C'est trois fois, grosso modo , le déficit qu'avait à traiter le plan Juppé », le déficit s'alourdit de « 1,2 milliard d'euros par mois ! ». Mais pour Gilles Johanet, le trou n'est rien comparé à la croissance vertigineuse des dépenses, désormais au rythme annuel de 6 ou 7 %. Cette croissance est « infinançable », assène l'ancien pilote de la principale caisse d'assurance-maladie, « la plus " belle " CSG du monde ne peut pas la financer ». A l'horizon 2007, dit-il, il faudrait, pour régler la note, « 3 points supplémentaires de CSG ou 11,7 points de cotisations maladie ». Impossible. Alors Gilles Johanet n'hésite pas : le rythme d'augmentation des dépenses d'assurance-maladie est « insupportable » et il l'est d'autant plus qu'il est à la fois « injustifiable » et « explicable ». Là, le principal artisan du plan stratégique de la CNAM reprend son credo contre l'évolution anarchique de certaines dépenses. Il cite « l'augmentation très forte » des honoraires des généralistes à laquelle n'ont pas été liés des objectifs de restructuration de leur offre de soins, « l'explosion » des ALD, « la croissance à deux chiffres » des dépenses de biologie, l'inflation des indemnités journalières... Et conclut : « Nous assistons au délitement de notre système de soins ; les rares filtres qui existaient jusque-là sont en train de se dissoudre ; (...) l'offre de soins se concentre sur les espaces optimaux ». Petite pique, au passage, pour la médecine de ville : « Nous sommes quand même le seul pays au monde où l'on assiste à l'extinction du libéralisme à partir de 18 heures, le dimanche et en août. »
Gilles Johanet est convaincu de la nécessité de changer la donne. Son expérience lui a prouvé que l'exercice sera extrêmement difficile. « Les hommes qui animent le système de soins sont bons, affirme-t-il, mais un système qui fonctionne sans repère crée la frustration et le malaise. (...) Toute réforme partielle, qui n'est pas insérée dans une vision d'ensemble suscite d'abord la méfiance et ensuite les blocages ». Résolument hostile à des ajustements partiels, Gilles Johanet se rallie à ceux qui plaident pour un « grand chambardement ». « De toute façon, juge-t-il, le système change tout seul et il ne change pas dans le bon sens. » L'évolution est en marche, qui voit en particulier s'organiser spontanément deux zones séparées réservant, pour schématiser, les ALD au régime de base de Sécurité sociale et aux complémentaires l'assurance-maladie des autres Français. Toute la question, souligne Gilles Johanet, est de savoir si l'on veut « piloter » le changement - notamment en modulant la prise en charge des patients en fonction de leur degré d'implication et de responsabilisation dans le système - ou bien « le subir ».
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